Belfort : « Avec l’inflation, les gens vont de plus en plus aux Restos »… du Cœur
Derrière la collecte nationale des Restos du Cœur se cache une impressionnante logistique orchestrée par des bénévoles sur le terrain. Reportage à Belfort où les équipes ont investi pour l’occasion la Grande Halle technique du festival des Eurockéennes.
« Avec l’inflation, les gens vont de plus en plus aux Restos ». En 2022/2023, les Restos du Cœur ont accueilli 1,3 million de personnes, soit 200 000 de plus que l’année précédente. Bruno Frattini, référent collecte nationale, hygiène et sécurité alimentaire aux Restos du Cœur du Territoire de Belfort, constate localement une hausse annuelle de 20 % des demandes d’aide. Une augmentation dramatique qui rend d’autant plus cruciale la collecte nationale des Restos du Cœur organisée chaque année le premier week-end de mars.
Trois jours de logistique exceptionnelle
Les particuliers sont invités à participer à la collecte nationale des Restos du Cœur, à la sortie des supermarchés, en donnant des denrées alimentaires non périssables ainsi que des produits d’hygiène. « Malgré l’afflux de nouvelles personnes, nous ne voulons pas transiger sur la qualité, précise Bruno Frattini. Nous ne donnons pas simplement quelques paquets de riz ou de pâtes. Nous distribuons des repas complets et équilibrés : viande, légumes et fruits frais, produits laitiers… Nous voulons continuer à accompagner les familles sur tous leurs besoins. » Cette année, 350 bénévoles se sont mobilisés les 1er, 2 et 3 mars, sur 16 magasins dans tout le département.
Une collecte exceptionnelle qui a nécessité des moyens logistiques conséquents : des camions prêtés pour l’occasion -qui assurent des navettes en permanence pour récupérer les dons des clients des magasins- mais aussi un entrepôt pour centraliser et trier les denrées récupérées sur tout le département. « Notre problème, c'est justement de trouver un entrepôt parce que nous n'avons pas de locaux suffisamment grands disponibles pour cette opération. Chaque année, nous partons donc en quête d’un partenaire qui pourrait nous mettre à disposition un tel bâtiment », explique Bruno Frattini.
Une halle industrielle comme entrepôt éphémère
Le festival des Eurockéennes de Belfort a répondu à l’appel, en prêtant pendant un mois un hangar au patrimoine industriel remarquable. Située à Sermamagny, la Grande Halle des Eurockéennes s’est ainsi transformée en quartier général de la solidarité. « En dehors des soirées électro que nous organisons depuis 2021 avec des artistes comme Bob Sinclar, Kungs ou Martin Solveig, ce bâtiment de 12 000 m² tient lieu d’entrepôt pour le matériel du festival qui se tient début juillet sur la presqu’île du Malsaucy. Lorsque Bruno Frattini nous a fait part du besoin des Restos du Cœur du Territoire de Belfort, nous avons tenu à leur disposition un espace de 800 m² et nos équipes pour la manutention des palettes », explique Anthony Fernandes du pôle partenariats des Eurockéennes de Belfort.
Il faut dire qu’un premier partenariat réussi à l’été 2023 avait déjà établi une relation de confiance propice : « Nous avions déjà travaillé avec les équipes des Restos du Cœur sur un projet de vaisselle réutilisable. Une opération qui avait permis de réduire les déchets de restauration de notre festival et de réunir 10.300€ pour les Restos du Cœur belfortain », raconte Anthony Fernandes.
Un rôle pivot de tri et de redistribution
« Avec la Grande Halle des Eurockéennes, nous étions dans des conditions optimales, estime Bruno Frattini. A seulement cinq minutes du centre-ville, l’endroit est vraiment central. Cela nous a évité des allers-retours trop fastidieux vers les magasins partenaires. » Dans l’entrepôt, tout au long du week-end, une vingtaine de bénévoles a pesé les dons de produits, avant d’en réaliser un inventaire précis, de les trier en 56 catégories et de les répartir sur des palettes.
Ces denrées n’ont pas vocation à être stockées bien longtemps : « En seulement trois mois, elles seront distribuées dans nos quatre centres fixes de distribution alimentaire et notre antenne mobile, retrace Bruno Frattini. Chaque centre nous fait part de ses besoins hebdomadaires et nous préparons les palettes de produits pour leur expédier les marchandises. De quoi nourrir chaque semaine les 2600 personnes que nous accompagnons sur le département. » En seulement trois jours, les 350 bénévoles mobilisés cette année ont collecté 27,5 tonnes de produits, soit 4,5 tonnes de plus que l’an dernier. « Un record », se félicite Bruno Frattini. Mais, bien qu’essentielle, cette collecte nationale n’est pas suffisante.
Garantir des distributions toute l’année
Le reste de l’année, les Restos du Coeur doivent procéder à des « ramasses » dans les supermarchés partenaires, des collectes ponctuelles auprès d’entreprises ou de particuliers mais aussi à des achats groupés négociés au niveau de l’Association nationale. « Des achats sont réalisés à grande échelle pour obtenir des tarifs intéressants. Les denrées sont ensuite stockées dans les entrepôts nationaux situés en région parisienne, avant d’être acheminées vers les entrepôts régionaux -le nôtre est à Vesoul- puis les centres départementaux. Nous passons commande en fonction de nos besoins et nous sommes ainsi livrés chaque semaine », expose Bruno Frattini.
Alors que les Restos du Coeur connaissent la hausse la plus massive du nombre de personnes accueillies depuis 1985, les équipes belfortaines déploient toutes les énergies pour y faire face. « Un nouveau centre ouvrira en fin d’année à Belfort-Nord. De quoi toujours mieux accueillir ceux qui souffrent de difficultés. » Le partenariat avec les Eurockéennes devrait lui être renouvelé pour la collecte 2025.