La logistique construit des ponts avec le monde des arts

Le 2 mars dernier, la Fashion Week de Paris s’impatientait de découvrir la première collection du nouveau directeur artistique de la Maison Alexander McQueen, Seán McGirr. Pour cet événement, ce dernier a choisi un lieu encore brut, chargé d’histoire : l’ancienne gare de marchandises des Gobelins, situé en plein cœur du 13e arrondissement de Paris, actuellement réhabilitée par Segro, foncière spécialisée en immobilier logistique et industriel, et transformée en hôtel logistique urbain. 75 000 m² sur deux niveaux qui seront livrés en 2025. Un défilé de mode n’est plus aujourd’hui une simple présentation. Au fil des décennies, c’est également devenu une opération de communication, où les créateurs cherchent à marquer durablement les esprits par la nouveauté qu’ils apportent, tant dans les vêtements que dans la façon de les montrer. Faire défiler les mannequins dans un tel lieu faisait donc sans doute partie de la nouveauté qui doit marquer les esprits, d’autant qu’il pouvait rappeler à certain un entrepôt de Kings Cross à Londres, connu pour accueillir des raves underground...

Ces dernières années, les barrières entre le monde la logistique et le monde de la création s’estompent avec des exemples qui se multiplient dans différentes disciplines. À mesure que les entrepôts se rapprochent des centres-villes et de leurs habitants, ils cherchent le moyen de s’intégrer de mieux en mieux dans leur environnement et de donner une meilleure image de leur activités. On a ainsi vu fleurir sur les murs des fresques et des œuvres picturales (lire l’article « Quand les œuvres d’art investissent les entrepôts » dans Plateformes Magazine). « Il s’agit d’attirer l’œil pour changer le regard sur la logistique, commente Franck Rabiller, directeur général adjoint du groupe Essor, opérateur immobilier. L’art permet de casser l’image dégradée de la logistique. Nous devons amener le public à porter un œil différent sur notre secteur, lui montrer un autre relief ». Ainsi, en partenariat avec la Semmaris et Sysco, ont été commandées auprès de l’artiste-plasticien Maurice Marty une douzaine d’œuvres originales, dont certaines seront prochainement vendues aux enchères. « Nous avons fait reproduire ces œuvres afin de les accrocher à la façade du bâtiment A1, situé au cœur du MIN de Rungis, entre la principale gare de péage et le pavillon des événements, conçu et réalisé par Essor pour le compte de la Semmaris (propriétaire-bailleur) et de Sysco (locataire) », détaille Franck Rabiller.

Pour Essor, l’objectif est également de promouvoir l’art, parfois par le mécénat artistique et social, comme cela a été le cas sur la zone d’activité de Poissy, avec le projet « Envol(s) » porté par l’architecte urbaniste Marie Odile Foucras, réalisé en collaboration avec les lycéens de la Cité scolaire Le Corbusier et les détenus de la Maison Centrale de Poissy. « Les statues réalisées dans le cadre de ce projet incarnent la chute tragique d’Icare et l’envol créatif de Dédale. Leurs moules ont été produits au sein du Parc Dynamikum », précise le directeur général adjoint d’Essor.

Le soutien de la logistique au monde de l’art ne s’arrête donc pas à la seule mise en couleurs des murs visibles depuis la rue. D’autres liens se sont créés, dont la forme la plus connue reste le mécénat, pratiqué par exemple par Prologis ou encore Sogaris .

Autre exemple récent, STEF, spécialiste européen de la supply chain alimentaire, s’est porté partenaire du film « Les Rois de la Piste » de Thierry Klifa, avec, entre autres, Fanny Ardant, Mathieu Kassovitz ou encore Nicolas Duvauchelle. « Un film dans lequel vous pourrez voir apparaître un camion STEF et l'un de nos conducteurs... Une belle mise en lumière de nos métiers ! », annonçait ainsi un post LinkedIn du logisticien quelques jours avant la sortie en salle en avril dernier.

Les entrepôts peuvent également offrir des décors hors-normes, pour les défilés de mode certes, mais aussi pour des tournages de clip vidéo, comme celui du guitariste Cory Wong, qui a composé le titre « Delivered » pour DHL Supply Chain. « Nous avons ensuite tourné le clip dans un de leurs entrepôts », a-t-il expliqué à la presse, tout en reconnaissant que la gestion de l’acoustique n’a pas été évidente. Cette expérience entre en résonance avec le discours de Laurence Giard, directrice générale de Segro France : « [Nous soutenons] l’industrie créative depuis de nombreuses années, notamment au Royaume-Uni où certains de nos sites ont accueilli des studios TV et de cinéma et des unités de production depuis les années 60, indique-t-elle dans un communiqué. Notre mission, “permettre l’extraordinaire”, c’est aussi connecter des univers a priori étrangers pour en révéler les synergies. Notre conviction, c’est que ces liens peuvent être de formidables leviers artistiques, économiques et sociétaux ».