Adaptation au changement climatique : êtes-vous prêts ?
Malgré les efforts de chacun pour réduire son empreinte carbone, le changement climatique est en train d’advenir. On peut agir sur son ampleur en suivant des trajectoires de décarbonation, ce que fait le secteur de l’immobilier logistique depuis déjà de nombreuses années. On peut également travailler sur ses conséquences. La démarche d’adaptation, enclenchée au niveau national par le ministère de l’Environnement à la fin des années 1990, est complémentaire des actions d’atténuation. Mais là, les acteurs du secteur ont du mal à passer de la théorie aux faits. Analyse.
« L'adaptation est le processus d’ajustement au climat présent ou attendu et à ses effets, qu’il s’agisse de la variabilité climatique mais aussi des évènements climatiques extrêmes. Dans les systèmes humains, l’adaptation cherche à modérer ou éviter les nuisances ou à exploiter les opportunités bénéfiques », indique le GIEC, l'organe des Nations unies chargé de l'évaluation objective de la recherche scientifique sur le changement climatique. Pourquoi les acteurs de l’immobilier logistique devraient se sentir concernés ? « Parce que cela fait désormais partie de la taxonomie verte européenne », rappelle Ludovic Bernini, fund manager chez l’investisseur AEW.
Taxonomie verte
Véritable boussole environnementale pour l’UE, la taxonomie verte a été lancée par la Commission européenne en 2018 pour guider et mobiliser les investissements privés vers une neutralité climatique dans les 30 prochaines années. Afin de s’assurer de la robustesse et de la solidité scientifique de cette classification, la Commission européenne a chargé un groupe d’experts indépendants de fixer les critères permettant de savoir si la performance environnementale d’une activité économique donnée est suffisante pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 et le niveau d’ambition fixé à l’horizon 2030. Tout en respectant les garanties minimales en matière de droits humains et de droit du travail, une activité peut prétendre à ce « label vert » si elle contribue de manière substantielle à au moins un des six critères identifiés par les experts : atténuation au changement climatique, utilisation durable et protection des ressources aquatiques et maritimes, transition vers une économie circulaire, prévention et contrôle de la pollution, protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes et adaptation au changement climatique. La démarche d’adaptation, qui agit sur les conséquences du changement climatique, est complémentaire des actions d’atténuation qui visent à réduire les causes du changement climatique.
Un plan d’adaptation national
En 2024, était publié le 3e Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC) par le ministère français de la Transition Écologique, qui vient en complément de la SNBC (Stratégie National Bas Carbone). Suite à une vaste concertation nationale de type « Grenelle », un premier plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) avait en effet été lancé en 2011 pour une durée de cinq ans. Ce plan est piloté par l’observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc), organisme rattaché au Ministère de la Transition écologique et solidaire qui a pour missions principales de collecter et diffuser les informations sur les risques liés au réchauffement climatique, formuler des recommandations sur les mesures d’adaptation à envisager pour limiter les impacts du changement climatique. Ce plan a été envisagé comme un processus dynamique et évolutif, alimenté au fur et à mesure de l’amélioration des connaissances. L’évaluation de ce premier PNACC, conduite en 2016, a ainsi abouti en 2018 à la publication d’un second plan (PNACC2), et à un 3e en 2024. Dans ce plan, on retrouve des politiques publiques d’adaptation avec pour objectifs d’anticiper les impacts à attendre du changement climatique, de limiter leurs dégâts éventuels en intervenant sur les facteurs qui contrôlent leur ampleur (par exemple, l’urbanisation des zones à risques) et de profiter des opportunités potentielles.
Qui pour financer le surcoût ?
Pour autant, à l’échelle d’une entreprise, la stratégie à adopter ne peut pas être la même que pour un Etat. « Lorsqu’il s’agit d’atténuer notre empreinte carbone, en installant des panneaux photovoltaïques ou des Pompes à Chaleur par exemple, les acteurs du secteur sont également motivés par les économies d’énergie, commente Ludovic Bernini. Mais lorsqu’il s’agit de mettre en place des installations très coûteuses, simplement au cas où un risque se réaliserait dans 20 ou 30 ans, cela devient plus difficile de trouver la motivation suffisante pour passer à l’acte ». Cela n’empêche pas les acteurs de l’immobilier logistique de chercher des solutions, « comme d’utiliser une étanchéité de couleur claire en toiture et sur les façades, permettant de limiter la chaleur à l’intérieur du bâtiment, ou encore de réduire l’artificialisation en ne bétonnant pas les parkings, liste Mélanie Cahin, directrice de l’innovation, du développement durable et des projets, chez Virtuo Industrial Property. Nous pouvons également dimensionner les bassins pour plus de rétention et d’infiltration ». Pour l’un des principaux risque identifiés en Europe, l’augmentation des amplitudes de températures (de plus en plus chaud en été et de plus en plus froid en hiver), la grande majorité des entreprises du secteur construisent et rénovent les bâtiments déjà existants avec une meilleure isolation qu’auparavant, plus importante que nécessaire à l’instant présent et capable de résister au changement climatique des 5 ou 10 prochaines années. « Mais au-delà, il s’agit de trouver le bon équilibre économique, explique Nilson Adou, Directeur du Développement et de la Construction chez Logicor France. Qui est prêt à financer le surcoût ? Nous avons une direction Développement Durable, pilotée depuis Londres, qui s’assure de la décarbonation de nos activités et de l’offre de produits adaptés aux enjeux climatiques… même si le plus raisonnable aujourd'hui est de privilégier les localisations où les risques liés au changement climatiques sont les moins élevés ». D’autant que certains clients ne se sentent pas suffisamment concernés pour accepter de payer le surcoût des matériaux ou technologies qui pourraient permettre cette adaptation au changement climatique.
Des études d’impact… qui en restent là
Dans le secteur de l’immobilier logistique, la prise de conscience est bien là, mais reste donc peu suivie des faits. « Nous réalisons bien sûr des études d’impact du changement climatique sur nos bâtiments, confirme Anne Vibert, Directrice chez le gestionnaire d’actifs Invesco. Ces audits nous fournissent une analyse précieuse des risques potentiels tels que les inondations, les crues, la montée des eaux, la sécheresse et les conditions climatiques extrêmes. Cependant, pour les bâtiments existants, nous devons trouver des solutions innovantes et économiquement viables pour gérer ces risques de manière efficace. ». Pour la construction des nouveaux bâtiments, les acteurs décident généralement de ne pas lancer de projets sur des zones où plusieurs voyants sont rouges, sachant que, de toute façon, les assureurs sont de plus en plus frileux pour les accompagner. Parfois, le point de blocage ne vient ni du montant de l’investissement nécessaire pour s’adapter au changement climatique, ni de l’utilisateur, ni des assureurs… mais « de la réglementation, déplore Mélanie Cahin. Nous cherchons des nouveaux matériaux, des nouvelles technologies, qui pourraient aider à réduire l’empreinte carbone, mais ces innovations ne permettent toujours de répondre à la réglementation ICPE, à laquelle sont soumis une grande partie des entrepôts ».