Le cadre réglementaire actuel permet-il des solutions plus vertueuses de gestion des eaux pluviales sur les sites logistiques ?
Entre injonctions contradictoires et volonté de s’engager, les acteurs de l’immobilier logistique cherchent à mettre en place des solutions plus vertueuses dans leur gestion des eaux pluviales. Le cadre réglementaire doit-il évoluer ou est-il suffisamment souple pour admettre des pratiques techniques nouvelles ? Le 12 octobre dernier, lors d’une conférence proposée par Afilog, le débat déjà bien engagé avec les administrations responsables sur le sujet stratégique de l’eau a de nouveau été posé.
Comment intégrer une gestion durable des eaux pluviales sur les sites logistiques ? Une question plus complexe qu’il n’y paraît. Elle est également souvent sujet à débat entre les porteurs de projet et les services instructeurs de l’État. Dans la Charte d’engagements réciproques signée en 2021 entre l’État et les membres d’Afilog, les porteurs de projet se sont engagés à infiltrer 100% des eaux pluviales à la parcelle. Mais le regard des services instructeurs sur les procédés techniques nouveaux permettant la filtration par exemple n’est pas homogène.
C’est pourquoi, en janvier 2022, Afilog a questionné la DGPR (direction générale de prévention des risques) dans le cadre d’un projet de revitalisation d’une plateforme logistique. « Nous avons souhaité intégrer dès la conception du projet des dispositifs de gestion des eaux pluviales plus vertueux et, a minima, d’effet équivalent aux dispositifs « classiques » (canalisations souterraines), afin d’honorer nos engagements et en accord avec le Memento technique de l’Association Scientifique et Technique pour l’Eau et l’Environnement de 2017 qui préconise la mise en œuvre de solutions alternatives », précise ainsi l’association. Afilog.
Une instruction différente selon le territoire où le projet est présenté
Afilog s’appuie sur un exemple précis de projet, estimé non recevable par les services instructeurs de l’État, alors même qu’il fait le choix d’un mode de traitement des eaux « doux » pour les eaux des voiries légères ainsi que les eaux des voiries lourdes non rattachées au bâtiment. Le projet se base sur une répartition des flux suivant la provenance et la potentialité de pollution. Il a ainsi été prévu trois types de réseaux. L’un récupère les eaux de pluie en toiture, réputées claires et directement dirigées vers des noues de remédiation puis vers des bassins d’infiltration. Un second a été prévu pour les eaux des voiries non rattachées physiquement au bâtiment, et donc non impactées par l’épanchement en cas d’incendie, et qui sont directement dirigées vers des noues de remédiation puis vers des bassins d’infiltration. Enfin, un troisième est dédié aux eaux de la cour camion attenante au bâtiment, prévu pour recevoir les effluents en cas d’incendie et les diriger vers un bassin étanche. Ce dernier est soumis aux règles d’application strictes de la réglementation ICPE. « Ces dispositifs « naturels » permettent une performance environnementale supérieure à la méthode « classique » grâce à un taux d’abattement de la charge polluante dans les ouvrages « naturels » de 85 à 95% alors que celui des ouvrages « industriels » est de l’ordre de 50 à 65% », défend le document transmis à la DGPR. Autre argument présenté et fort intéressant : cette conception vertueuse de la gestion des eaux pluviales a été utilisée dans un autre projet, mais dans un autre département, qui, lui, a obtenu toutes les autorisations administratives... La position actuelle des administrations ne tranche pas définitivement la question.
Enfin un décret pour des revêtements perméables sur les parkings
Le 12 octobre dernier, lors d’un petit déjeuner organisé par Afilog et Business Immo, les adhérents de l’association, représentés par Alice Delude, ingénieure écologue et Directrice de projet Ecologie & Paysage pour le bureau d’études Payet, et Hasna Berkia-Guez, directrice RSE chez Barjane, ont souhaité débattre sur le sujet, aux côtés d’Olivier Pajon, inspecteur de l’environnement à la DREAL (direction régionale de l’environnement, l’aménagement et du logement) du Loiret. « Ne pas intégrer une gestion durable des eaux pluviales sur les sites logistiques peut avoir pour conséquence la création d’îlots de chaleur ou accroître le risque d’inondation, a ainsi rappelé Alice Delude. Il est donc nécessaire d’intégrer au projet un ratio de végétalisation acceptable et de remplacer certains dispositifs de gestion des eaux par des solutions qui se rapprochent le plus possible des mécanismes naturels ». « L’arrêté du 7 juillet 2023 publié par le Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires modifiant l’arrêté du 2 février 1998, supprimant l'obligation de traitement des eaux pluviales issues des aires de stationnement des véhicules légers, clarifie les règles applicables et va ainsi dans le bon sens », a ainsi commenté Hasna Berkia-Guez. Les sites logistiques peuvent également apporter des services supplémentaires aux territoires selon la directrice RSE de Barjane, qui a donné l’exemple du parc des Bréguières où la mise en place de bassins de rétention et d’expansion des crues ont permis de gérer les eaux pluviales descendant de la colline et ainsi d’éviter des inondations dans la vallée en contrebas en 2010. Pour autant, sur nombre d’autres sujets liés aux solutions alternatives de gestion des eaux pluviales, toutes les DREAL n’instruisent pas de la même façon. Selon Olivier Pajon, « il peut être normal qu’il n’y ait pas de réponse unique. Mais il est néanmoins indispensable que chaque dossier soit instruit... ».