Patricia Savin, avocate spécialisée en droit de l’environnement chez DS Avocats : « En logistique, le droit s’exerce nécessairement avec pragmatisme et sans dogmatisme »

17 janv. 2025
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La transversalité est sans doute le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de Patricia Savin lorsqu’elle parle de l’exercice du droit en logistique. Chaque dossier exige selon elle une agilité d’esprit et des compétences croisées, car la réponse toute faite n’existe pas dans ce domaine.

Patricia Savin Dsavocats Grey

« Il est nécessaire d’avoir une compréhension à la fois juridique, technique et opérationnelle des enjeux liés à la logistique et aux entrepôts en particulier. Exercer le droit en immobilier logistique exige une connaissance transversale et pluridisciplinaire, assure Patricia Savin, avocate spécialisée en droit de l’environnement pour le cabinet DS Avocats. Il faut une vision complète des faits, du site, des lieux, des cellules : nombre de locataires, secteur d’activité, configuration du bâtiment…. Seule cette compréhension technique et opérationnelle permettra de faire du droit utile». Patricia Savin estime qu’il est indispensable de sortir d’un raisonnement par silo et de réunir toutes les personnes concernées avant de proposer une voie juridique. « L’équipe gagnante à constituer est une équipe technique, opérationnelle et juridique. En plus du droit des affaires, l’immobilier logistique fait appel notamment au droit des ICPE, au droit des déchets…. La rédaction ou l’analyse de bail doit se faire au regard des exigences administratives ICPE qui pèsent sur l’entrepôt.. Penser le contraire peut conduire à des impasses ». Elle se souvient ainsi d’un dossier où le propriétaire, par ailleurs exploitant de droit, devait veiller à faire respecter les termes d’un arrêté préfectoral ICPE fixant des quantités maximales de stockage dans l’entrepôt.. « Les baux signés avec les 4 locataires imposaient le respect des termes de l’arrêté préfectoral, mais sans opérer de répartition des quantités maximale entre les locataires ! Or, le cumul de stockage par locataire, en parfait respect des baux, aurait pu placer l’exploitant de droit en violation des termes de l’arrêté préfectoral, avec mise en demeure et sanctions administratives et pénales, sans aucune action possible contre les locataires qui respectaient leurs baux. Une solution a été trouvée… mais cet exemple démontre l’importance de concilier droit des baux et droit des ICPE. ».

Un métier qui s’exerce avec passion

Le quotidien de Patricia Savin se découpe entre conseil, gestion du contentieux, pédagogie et audit en tant que Présidente de la filiale de DS avocats, dédiée aux enjeux ESG, DS Durabilité. « Souvent, le besoin de formation se fait sentir après un contentieux, commente-t-elle. Pour ce qui concerne la durabilité, les entreprises préfèrent anticiper, conscientes de la grande complexité des différentes directives ». Selon elle, l’intérêt des dossiers qu’elle a à gérer vient du fait qu’« il n’y a pas de réponse toute faite. Chaque site, chaque environnement, chaque locataire est différent. Pour chaque cas, il faut faire preuve de pragmatisme et éviter tout dogmatisme », décrit-elle.

De l’importance du droit environnemental

Patricia Savin estime avoir eu la chance de commencer à exercer le droit de l’environnement dès le début de sa carrière, en 1996, alors qu’il était encore peu mis en application, « car méconnu en droit des affaires, commente-t-elle. Pourtant le cadre légal existe depuis longtemps. Ainsi, en 1917, une loi porte sur les établissements dangereux, insalubres ou incommodes, avec la prise en compte d’une notion de pollution, fixait peu ou prou les mêmes contraintes que cellse régissant les ICPE aujourd’hui ». Les évolutions réglementaires de ces dernières années, avec l’objectif d’une neutralité carbone d’ici 2050, poussent de plus en plus le monde des affaires et les politiques publiques à prendre sérieusement en considération cette aspect du droit.

La durabilité comme fil rouge

En tant qu’organisme tiers indépendant (OTI) depuis 2016 (avis sur les DPEF et sociétés à mission), DS Avocats est en outre inscrit sur la liste de la Haute Autorité de l’Audit (H2A) pour les audits des rapports de durabilité CSRD. Afin de distinguer le métier de conseils de celui de vérificateurs notamment CSRD, la filiale DS Durabilité a été créée en 2024 avec comme associés personnes physiques, Patricia Savin et Yvon Martinet, Président de DS avocats, tous deux inscrits sur la liste de la H2A en tant que vérificateurs. « Dans nos missions d’OTI, nous jugeons de la sincérité et de la conformité des informations extra financières des rapports ESG des entreprises assujetties, les « rapports de durabilité » », explique-t-elle. Cette compétence de vérificateur de durabilité apporte une expertise pointue en ESG et permets dans le cadre de missions de conseils de faire de la pédagogie supplémentaire, face à des lois parfois difficiles à appréhender tant elles sont touffues. DS Avocats est par ailleurs signataire du Pacte Mondial des Nations-Unies, qui offre à ses participants un cadre d’engagement volontaire en matière de RSE et contribue à aligner le monde économique français avec l’Agenda 2030 et les objectifs de développement durable de l’ONU.

Faire connaître la logistique à l’administration

Ce qui fait la complexité et le sel du droit exercé en logistique est que, parfois, ce secteur est peu compris des magistrats. « Il nous incombe de faire comprendre le cumul des responsabilités administratives et contractuelles,le cumul de réglementation applicable (droit des baux, droit des ICPE, droit des déchets…), souligne Patricia Savin. Si le propriétaire est l’exploitant de droit, les locataires sont généralement les exploitants de fait. Ils ont à ce titre leur propre responsabilité contractuelle ou au titre du droit des déchets par exemple... ». Comme pour le droit environnemental, la reconnaissance des particularités du monde de la logistique progresse… bien qu’encore imparfaite.

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