Sandra Marsaud : « La logistique est un sujet géographique »
Co-rapportrice d’une mission d'information relative à l’impact du déploiement des entrepôts avec Charles Fournier (député d’Indre-et-Loire), Sandra Marsaud (députée de la Charente) décrypte pour Plateformes les enjeux de l’immobilier logistique et la nécessité de « planifier » tout en respectant les spécificités régionales.
Qu’avez-vous cherché à examiner dans le cadre de votre mission parlementaire sur les incidences du déploiement des entrepôts ?
Sandra Marsaud : Cette mission d’information a été impulsée par le député Charles Fournier (Indre-et-Loire) afin de mesurer les répercussions économiques, les impacts sociaux et l’empreinte environnementale et écologique des entrepôts de grande taille. Nous avons auditionné de nombreux acteurs : logisticiens, entreprises du commerce et de la distribution, professionnels de l’immobilier logistique, institutionnels et associatifs, universitaires… Ce qui a été tout aussi difficile qu’intéressant, c’est de voir que la logistique est un sujet très politique, et que les réponses doivent être géographiques. Dire « la logistique », c’est comme dire « le logement ». Il y a une grande diversité d’acteurs, de modèles, de besoins qui varient énormément selon les régions.
Quelle photographie dressez-vous à la suite de vos travaux au niveau de l’économie, de l’aménagement des territoires et de l’empreinte environnementale ?
Sandra Marsaud : En étudiant la logistique on observe des mutations plus profondes de l’économie et de la société. On se rend compte que les entreprises réorganisent totalement leurs chaînes de distribution pour répondre aux demandes des consommateurs. En Seine-et-Marne, nous avons visité un entrepôt Conforama à Tournan-en-Brie qui stocke les commandes des fournisseurs mais aussi celles des clients passées en magasin avant qu’elles leurs soient livrées. Le « phygital » qui se développe de plus en plus, encouragé par les programmes comme Action Cœur de Ville, est quelque chose de plutôt positif pour maintenir de la vie dans les centres-villes. Il y a de quoi revitaliser certains territoires par l’implantation de nouvelles activités. Nous avons également identifié des possibilités de reconquête de certains espaces déjà artificialisés sans pour autant aller prendre des surfaces sur les zones naturelles et agricoles. Il y a encore un trop fort sentiment de concurrence entre le besoin d'espace pour faire des logements - et souvent du lotissement - et d'autres types de construction, industrielles et logistiques notamment.
Quels sont les leviers à actionner pour réduire l’empreinte carbone des entrepôts selon vous ?
Sandra Marsaud : L’une des premières solutions, déjà adoptée par des acteurs comme Amazon ou Prologis que nous avons interrogés durant la mission, c’est de construire sur des terrains préexistants et déjà artificialisés. C’est sans doute l’un des meilleurs moyens de concilier le déploiement de nouveaux entrepôts avec l’objectif de ZAN. Ces nouveaux entrepôts sont mieux isolés, donc moins énergivores et produisent leur propre énergie grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques en toiture. Mais l’entrepôt ne fait pas tout. La décarbonation de la logistique passe aussi par le transport. La connexion des nouveaux entrepôts avec les gares est une option mais ce n’est pas un secret, le transport ferroviaire de marchandise n’est pas suffisamment développé car le transport routier a bénéficié de l’appui des politiques publiques. Je ne vais pas critiquer les routiers, mon grand-père et mon père l’étaient. Accélérer sur les connexions avec le fret ferroviaire serait très efficace. Cela passe par de la planification et plus de concertation entre acteurs.
Plusieurs de vos propositions ont justement pour ambition de renforcer la planification. Pourquoi et comment faire concrètement ?
Sandra Marsaud : Il y a des régions avec une forte densité de population et donc un besoin d’implantations logistiques, c’est le cas des métropoles. Il y a également des régions qui sont très accessibles et où le foncier a pu se libérer plus facilement, c’est le cas de la région Centre-Val de Loire ou du département de la Somme par exemple. De fait, ces territoires attirent de nombreux acteurs qui souhaitent construire des entrepôts. La planification doit permettre de mieux évaluer les besoins de chaque territoire et leur capacité à accueillir de nouvelles implantations.
Les récentes évolutions législatives (*) ont introduit le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires avec un volet logistique et renforcent le rôle des SCoT qui doivent désormais intégrer un schéma logistique. Les collectivités locales ont donc un rôle crucial à jouer pour accueillir des fonctions logistiques mais aussi pour contrôler leur déploiement. Le problème, c’est qu’il y a trop de difficultés à évaluer les surfaces nécessaires pour les différents types d'activités économiques que ce soit pour l'industrie, la logistique, l'artisanat… Acteurs économiques et associations de filières doivent franchir le pas et rencontrer davantage les élus locaux.
Quelles sont vos préconisations pour amplifier la solarisation des entrepôts ?
Sandra Marsaud : Je crois que ce ne sont pas forcément des propositions législatives qui accélèreront la solarisation des entrepôts mais plutôt des intentions volontaires des acteurs de la logistique, comme les engagements inscrits dans la Charte signée entre l’Etat et Afilog, pour plusieurs raisons. La première, c’est la hausse du coût de l’énergie qui pousse les entreprises à chercher des solutions et à investir pour maîtriser leurs dépenses. Ensuite, les acteurs de la logistique cherchent à transformer leur image et cela passe par un meilleur bilan carbone et une contribution à l’effort national de production d’énergie. Enfin, tous les outils existent déjà et continuent de se développer avec l’appel aux communes pour identifier les zones d’accélération des énergies renouvelables par exemple.
Quel développement espérez-vous pour la filière logistique dans les années à venir ?
Sandra Marsaud : En tant que parlementaires, on doit écouter ceux qui font, notamment les opérateurs économiques. Je les encourage à aller encore plus à la rencontre des élus locaux, à organiser de plus en plus d’événements à destination du public. Ils doivent se faire connaître pour être mieux compris. Je souhaite plus de concertation et de partage de connaissance. Selon moi, tout ne peut pas passer par les lois. Nous n’en pouvons plus des législations qui ne s’appliquent pas. Plus de quarante ans de décentralisation, il faut que ça serve : la décision doit revenir au local car encore une fois, la logistique est un sujet géographique.