Transition énergétique et écologique : les entrepôts s’engagent en première ligne
Les entrepôts logistiques membres d’AFILOG vont déployer 5 millions de m2 de panneaux photovoltaïques en 5 ans. Une approche proactive qui va au-delà des obligations légales et concerne autant la production que la diffusion d’énergie renouvelable. Explications.
Comment la France va-t-elle réussir à réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 ? En partie grâce aux énergies renouvelables… à condition d’accélérer leur production. Une loi spécifique a justement été votée début 2023 en ce sens. « Ce texte législatif fait en sorte que les élus soient aux manettes, qu’ils puissent décider en coordination avec les intercommunalités et les préfets quelles énergies seront implantées notamment », explique Didier Mandelli, Sénateur de Vendée et rapport du projet de loi au Sénat.
« Nous sommes à un moment où l’éolien et le solaire sont les seuls vecteurs permettant d’électrifier de façon accélérée, il n’y aura pas de nouveaux grands barrages hydroélectriques ni de nouveaux réacteurs nucléaires dans les dix prochaines années », souligne pour sa part Xavier Piechaczyk, le président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE), dans une interview accordée au Monde. Didier Mandelli complète : « La première mouture du projet de loi sur l’accélération de la production des énergies était très clairement estampillé éolien offshore mais le Sénat a ajouté des éléments pour traiter les autres sources d’énergies renouvelables, à commencer par le solaire, avec un principe très clair : il faut privilégier des surfaces bâties ou existantes pour développer de nouveaux projets de production d’énergies renouvelables plutôt que d’artificialisation des terrains agricoles ou naturels. »
Cela se traduit par un durcissement des obligations. Sur les bâtiments non résidentiels neufs ou lourdement rénovés (entrepôts, hôpitaux, écoles...), la couverture minimum des toitures solaires augmentera progressivement de 30 % en 2023 à 50 % en 2027. Cette obligation sera étendue dès 2028 aux bâtiments non résidentiels existants. « Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer aux côtés des particuliers et du public, ajoute le Sénateur de Vendée. L’obligation de couvrir 50 % d’une toiture à horizon 2027 est un minimum pour les acteurs du bâtiment. S’ils peuvent aller plus loin, ils doivent le faire. » Une approche appliquée par les membres d’Afilog.
5 millions de m2 de panneaux photovoltaïques sur les entrepôts dans les 5 ans à venir
« Nous nous engageons à mobiliser les surfaces imperméabilisées de grandes dimensions que nous avons pour y installer des centrales de productions d’énergie photovoltaïque, annonce Vincent Kirklar, pilote de la commission Énergie d’Afilog et directeur immobilier du groupe STEF. Nous souhaitons le faire de manière proactive en allant au-delà des obligations légales. » Un mouvement déjà engagé depuis 2021 avec la signature d’une charte d’engagements réciproques avec l’État (objectif volontaire d’atteindre 50 %) et dont l’accélération a été actée en juin 2023.
Concrètement, les membres d’Afilog ont établi un premier recensement collectif de leurs projets d’installation de centrales photovoltaïques : dans les 5 prochaines années, ils déploieront 5 millions de mètres carrés de panneaux photovoltaïque sur les toitures de leurs entrepôts partout en France à Nîmes, Agen, Nanteuil-Le-Haudouin, L’Isle d’Abeau… Ces nouvelles installations représenteront une puissance d’1,2 Gigawatt crête. À leur pic de fonctionnement, elles atteindront la puissance d’une centrale nucléaire et couvriront l’équivalent de la consommation annuelle de 600 000 habitants.
Surtout, cette mobilisation va représenter une part importante de l’effort national que le gouvernement prépare dans le cadre de la Stratégie française énergie-climat. Les groupes de travail lancés par le ministère de la Transition Énergétique ont en effet recommandé de doubler le rythme d’installation de centrales photovoltaïques en France (à 5,5 GW/an) en utilisant davantage les « grandes toitures » (25 % du total). La mobilisation des membres d’AFILOG pourrait donc représenter près de 5 % de l’objectif national de puissance installée. Et leur action ne s’arrête pas là. Afilog regarde de près le sujet de l’effacement de consommation, pour contribuer de cette manière-là aussi à l’effort collectif.
Une accélération de la production d’énergie renouvelable qui doit s’accompagner d’une distribution plus aisée de l’énergie ainsi produite
« Au-delà d’aller plus loin que ce que la loi va nous imposer en matière de construction de centrales photovoltaïques, nous voulons mettre en place des écosystèmes pour développer l’autoconsommation collective et alimenter la mobilité durable », explique Vincent Kirklar. L’énergie durable produite localement par les entrepôts devra ainsi être capable d’alimenter les collectivités, entreprises, industries, commerces ou habitants situés à proximité et qui ne peuvent pas autoproduire toute l’énergie dont ils ont besoin. Elle visera également à alimenter des stations multi-énergies où les véhicules de tous ordres pourront venir se ravitailler.
Des freins restent toutefois à lever pour atteindre ces objectifs. Afilog a lancé trois groupes de travail en ce sens. L’un d’eux porte sur le volet financier : « Nous recensons et mettons en avant les leviers existants pour résoudre l’équation économique. Et nous explorons en parallèle ceux qu’il faudrait faire évoluer à plus long terme comme le tarif d’usage des réseaux de transport locaux de l’énergie, le prix de revente, la fiscalité énergétique, etc. », détaille Vincent Kirklar. Un autre atelier se focalise sur les sujets réglementaires. Dans ce cadre, les membres de l’association impliqués cherchent des solutions pour faciliter la revente locale d’énergie entre le producteur d’énergie photovoltaïque, et l’utilisateur final, et avoir plus de souplesse sur les quantités d’énergie réinjectées dans le réseau.
Enfin, le troisième atelier traite les aspects techniques avec plusieurs priorités : tirer un meilleur parti de la capacité portante des toitures et faire évoluer les critères des matériaux isolants et d’étanchéité des toitures, tant au niveau dommage ouvrage qu’incendie. « Si des solutions émergent de cet atelier, alors nous pourrions mettre à profit tout ou partie du trésor de guerre « climatique » des membres d’Afilog : nous avons plus de 80 millions de m² de toiture qui ne demandent qu’à contribuer à la décarbonation de notre mix énergétique, conclut Vincent Kirklar. En imaginant que l’on trouve des solutions, ne serait-ce que pour 10 % des toitures existantes, nous pourrions plus que doubler notre contribution aux ambitions de la loi de planification écologique ! » De quoi renforcer le rôle clé que l’immobilier logistique et industriel va jouer dans la transition environnementale de la France.
Une démarche collective qui dépasse le cadre de la filière
« Notre engagement est responsable ET collectif, souligne Vincent Kirklar. Nous sommes donc en train de réunir les producteurs ET les consommateurs. » Pour y parvenir, l’association a lancé avec le Booster des ENR&R une action collective intitulée « Booster la production d’énergies renouvelables sur les bâtiments » à l’Université de la Ville de Demain, début juillet, devant 200 décideurs de l’immobilier en général, de la ville et des Territoires. « Une trentaine d’autres donneurs d’ordre nous ont rejoint, aussi bien privés que publics, comme la Direction de l’immobilier de l’État, SNCF, RTE, l’Union sociale de l’habitat, Unibail-Rodamco-Westfield, Altarea… Notre ambition commune est de créer des écosystèmes qui permettront de parvenir plus rapidement aux ambitions du gouvernement », conclut le pilote de la commission énergie d’Afilog.