La sobriété énergétique des entrepôts, un long chemin qui n’a pas attendu la réglementation
Pour faire face à la crise de l’énergie à court terme et pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à moyen terme, c’est l’ensemble de la chaîne logistique, des plateformes aux transports, qui doit se mobiliser. Point d’étape sur les temps de passage des entrepôts dans leur aspiration à la sobriété énergétique.
Pesant 10 % du PIB national, 200 Md€ de chiffre d'affaires et 1,8 million d'emplois, la logistique est en première ligne dans l’effort national de sobriété énergétique. À commencer par ses entrepôts qui n’ont pas attendu l’entrée en vigueur du décret tertiaire (qui prévoit la réduction des consommations d’énergie des entrepôts existants de plus de 1 000 m2 d’au moins 40 % d’ici à 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050) pour réduire la voilure.
Les entrepôts, bons élèves de la sobriété énergétique
Comparativement à l’immobilier résidentiel ou à l’immobilier de bureaux, la consommation énergétique réelle en énergie finale (c’est-à-dire le total de l'énergie consommée par les utilisateurs finaux) de l’immobilier logistique est moindre. En effet, le résidentiel arrive en tête avec 202 kWh(ef)/m2.an, devant les bureaux (160) et la logistique (141) d’après le baromètre 2021 de la performance énergétique et environnementale du bâtiment de l’OID*. Si les impératifs de « confort » sont moins forts dans ces bâtiments, des contraintes pèsent lourd dans la facture énergétique : la climatisation des entrepôts, voire la réfrigération pour certains entrepôts « froids », la consommation des machines et matériels de manutention, l’éclairage… Les chiffres restent ainsi bien supérieurs à ce que prévoyait la loi Grenelle 1 datant de 2011 sur la réglementation thermique applicable aux constructions neuves qui plaçait le niveau de consommation d’énergie primaire à 50 kWh/m2.an en moyenne.
Néanmoins, sur ce même volet de l’énergie finale, soit l’énergie réellement consommée, le secteur logistique fait figure de bon élève d’après cette même étude de l’OID puisqu’il parvient à baisser sa consommation de 2 % sur un an (contre +5 % pour les centres commerciaux et -0,5 % dans le résidentiel malgré d’importants budgets alloués à la rénovation énergétique des logements). Les entrepôts de nouvelle génération (construits après 2020) se doivent d’ailleurs d’être « à énergie positive » et surpassent de loin les entrepôts plus anciens, beaucoup plus énergivores, malgré des efforts importants en matière de rénovation énergétique. Au-delà des petits gestes du quotidien, des solutions plus poussées commencent à émerger, notamment pour faire baisser la température des entrepôts en période de plus fortes chaleurs, permettant ainsi de limiter le recours à la climatisation très énergivore. Exemple de solution qui tend à se démocratiser, la peinture blanche réflective pour toiture qui permet de réaliser jusqu’à 40 % d’économies d’énergies en limitant l’usage de la climatisation tout en gagnant en confort avec jusqu’à 6°C en moins en intérieur. EDF, E. Leclerc, Intermarché ou encore Renault ont franchi le pas. Ces mêmes toitures peuvent également servir à produire de l’énergie renouvelable.
Des entrepôts « prosumers »
Pour limiter leur niveau de consommation sur les réseaux électriques, certains entrepôts font le pari de produire eux-mêmes leur énergie en capitalisant sur les surfaces en toiture pour installer des panneaux photovoltaïques. Des entrepôts « prosumers » donc, à la fois producteurs et consommateurs de leur propre énergie au sens de l’économiste Jérémy Rifkin, auteur de The Zero Marginal Cost Society. Selon lui, la production d’électricité ne doit plus être agencée selon un modèle centralisé, mais « distribué » où l’énergie circule dans un réseau dit « intelligent », comme l’information circule sur internet. Chaque entrepôt, par exemple, produira sa propre énergie, qui sera ensuite distribuée de manière décentralisée.
Et la théorie est mise en pratique, avec les engagements réciproques entre l’État et les membres de l’association AFILOG qui prévoient de couvrir, en moyenne sur l’ensemble des permis déposés entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2025, 50 % de leur surface de toiture utile avec des panneaux photovoltaïques. Une ambition qui va au-delà des obligations posées par la loi Énergie Climat de 2019 et Climat Résilience de 2021 qui exige 30% de couverture photovoltaïque. À ce titre, l’État s’engage à faciliter l’installation de tels panneaux lors de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’enregistrement ICPE. Il faut dire que la production électrique de ces panneaux permet non seulement de couvrir les besoins des entrepôts mais peut aussi couvrir ceux des bâtiments voisins trop anciens pour accueillir ce type de structures. À Saint-Ouen l’Aumône (Val d’Oise), le Groupe Panhard a couvert un bâtiment avec 30.000 m2 de panneaux photovoltaïques dès 2009 pour constituer la plus grosse centrale photovoltaïque au nord de la Loire à l’époque. Un pari gagnant sur le plan économique pour ces acteurs de l’immobilier logistique qui réduisent leurs dépenses énergétiques et diversifient leurs activités comme la foncière Argan qui s’est spécialisée dans les centrales autoconsommation. Des petits gestes aux grandes transformations, les plateformes logistiques ont vraiment tout pour réussir leur transition énergétique.
* Baromètre 2021 de la performance énergétique et environnementale du bâtiment de l’OID