Environnement

Alice Delude, ingénieure écologue : « la logistique est un défi ! »

17 avr. 2024
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Au cours des neuf années à exercer le métier d’ingénieure écologue pour le cabinet Payet, Alice Delude a accompagné une trentaine projets d’immobilier logistique. Si elle n’a certes pas choisi ce secteur de prime abord, elle estime avoir aujourd’hui son rôle à jouer pour réduire son impact sur la biodiversité. 

Alice Delude

La logistique n’était pas son premier choix. « Quand on se destine à la construction durable, on pense plutôt à la végétalisation des villes, pas à celle des entrepôts ! », explique Alice Delude, ingénieure écologue au sein du cabinet d’études Payet. Pourtant, depuis 2015, date de son embauche chez Payet, la diplômée d’AgroParisTech a appris à adopter un autre point de vue. « En tant qu’ingénieure écologue, je dois m’assurer que les projets de construction ou de rénovation ont le moins d’impact possible sur la biodiversité, définit-elle. Mais mon rôle est également d’accompagner des entreprises, comme celles de la logistique, pour que les sites construits soient favorables à l’accueil de la biodiversité sur le long terme »

Après un bac scientifique et une prépa BCPST (Biologie, Chimie, Physique et Science de la Terre), Alice Delude réussit le concours de son école d’ingénieur pour trois années de formation, qui vont la mener à se spécialiser en « environnement ». « Entre la deuxième et la troisième année, j’ai effectué mon stage de césure de 6 mois chez Payet, où ni le poste d’écologue, ni celui de paysagiste existait encore ». La fonction sera créée pour l’accueillir en 2015. Mais avant cela, Alice Delude termine sa dernière année à AgroParisTech avec la spécialisation IDEA, pour « Ingénierie Déchets Eau et Aménagement durable », complété par un module sur les éco-quartiers et la construction durable.

Des interlocuteurs de plus en plus sensibles

Tout de suite après son intégration au sein du cabinet Payet, elle intervient auprès des acteurs de l’immobilier logistique, qui souhaitent aller plus loin que la réglementation en faisant certifier leurs projets HQE (Haute Qualité Environnementale) ou BREEAM. « La réglementation est là pour éviter les impacts sur l’environnement, de les réduire quand on ne peut les éliminer et, en dernier recours, si on ne peut pas faire autrement, de les compenser », détaille-t-elle. Ces dernières années elle a pu rencontrer des interlocuteurs - maîtres d’ouvrage, propriétaires de plate-forme logistique, cabinets d’architecte, paysagistes, maîtres d’oeuvre – de plus en plus volontaires dans les démarches de protection de la biodiversité. « Par rapport à il y a quelques années seulement, les échanges sont de plus en plus faciles et je ressens une écoute plus forte de la part des acteurs de l’immobilier logistique, souligne Alice Delude. Concernant les utilisateurs en revanche, il reste encore beaucoup de sensibilisation et de pédagogie à apporter ». Sans qu’il y ait réellement de résistance, il y a des sujets qui ne leur paraissent pas encore assez naturels, « comme le fait de ne pas tondre certaines zones. La biodiversité a besoin de l’herbe haute, mais eux, craignent que les espaces paraissent négligés s’ils ne sont pas à ras. Je les conseille pour trouver le meilleur compromis ». 

De grands terrains de jeu

Contrairement aux bâtiments urbains, les entrepôts offrent, avec les espaces extérieurs associés, de gigantesques terrains de jeu. « Leur taille nous permet en effet d’être plus ambitieux, se réjouit Alice Delude. Nous pouvons recréer des haies, planter différentes espèces d’arbres, de penser des écosystèmes plus vastes qu’en ville ». Pour Alice Delude, il est également fondamental de faire appel à des pépinières productrices et locales, « mais la différence de prix avec les filières des Pays-Bas, de l’Espagne ou de l’Italie, a parfois raison de la bonne volonté des paysagistes ». Autre difficulté, ses interlocuteurs aimeraient que les arbres poussent aussi vite que les entrepôts... « Beaucoup aimeraient que la végétation soit déjà très fournie au moment de l’inauguration du bâtiment, relate-t-elle. Or il vaut mieux installer de jeunes plants plutôt que des grands arbres… il faut donc apprendre à ces promoteurs, constructeurs et utilisateurs à être patients avec la nature ! »

Sa conscience professionnelle peut par ailleurs parfois l’amener à dire non à ses interlocuteurs. « Il nous arrive d’avoir des demandes d’accompagnement pour l’obtention du label BiodiverCity, auxquelles nous ne pouvons pas répondre, explique-t-elle. Comme son nom l’indique, ce label atteste de la conformité du projet à un certain niveau de qualité écologique et biodiversité. Or, pour certains, qui partent de trop loin, le niveau ne pourra pas être atteint. Dans ce cas, nous devons leur dire, avec tact, que ce ne sera pas possible », et de les aider néanmoins à s’améliorer. Pour Alice Delude, les professionnels de l’immobilier logistique ont la chance de disposer de grands espaces associés à leurs bâtiments, ce qui leur permet d’être de véritables acteurs de la protection de la nature. « Il s’agit de soutenir la biodiversité, mais c’est aussi un argument pour les habitants des communes autour des sites, qui ont parfois du mal à accepter l’implantation des entrepôts près de chez eux, avance l’ingénieure écologue. Ce soin apporté à la faune et la flore permet également de créer un cadre de vie plus agréable pour ceux qui viennent travailler dans ces zones ».



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