Christine Daric, avocate fiscaliste, associée du cabinet BCLP : « Il n’existe pas de définition de l’entrepôt d’un point de vue fiscal »
Passionnée par son métier, Christine Daric ne compte pas les heures pour accompagner les acteurs de l’immobilier logistique. Que cela soit auprès de ses clients ou lors de ses interventions aux côtés d’Afilog, l’avocate fiscaliste relève et prévient les dangers relatifs à l’impôt qui menacent régulièrement le secteur. Un quotidien professionnel prenant mais qui l’épanouit.
Avocate fiscaliste depuis 1998, Christine Daric a pourtant détesté ses études de droit. Ce qui l’a réconcilié avec le monde juridique : l’immobilier. « À l’école de droit, il y avait beaucoup de théorie et peu de place à la créativité, explique-t-elle. J’avais besoin de choses plus concrètes et j’ai découvert ce secteur composé de personnes inventives et pleines d’ingéniosité ».
L’intérêt pour la logistique est venu ensuite. « Jusqu’au milieu des années 2000, il y avait peu de transactions de grande envergure sur le secteur de la logistique. Mais progressivement, des opérations complexes à fort enjeu ont vu le jour et les acteurs de l’immobilier logistique ont de plus en plus eu besoin de l’accompagnement d’avocats spécialisés ». Si l’entrepôt est devenu un incontournable de la vie économique au fil des ans, son existence fiscale n’a pourtant toujours pas été éclaircie. « Il n’existe pas de définition de cet actif d’un point de vue fiscal : pour chaque impôt, on essaye de le faire entrer dans une chaussure qui n’est pas à sa taille ».
Faire preuve de pédagogie
Les particularités de l’immobilier logistique sont donc petit à petit devenues pour Christine Daric un quotidien passionnant. L’avocate s’est fixé deux champs d’intervention. Tout d’abord, celui de travailler aux côtés de propriétaires d’immobilier logistique ou auprès de ceux qui vont le devenir, en collaboration avec les notaires, les agents, les banques… « Les dossiers portent sur le financement et la structuration d’une opération, sur la qualification fiscale du bien en cas de travaux, sur la taxe d’aménagement…., liste rapidement Christine Daric. Ma deuxième mission est d’être aux côtés d’Afilog, d’une part pour animer la commission fiscale, et d’autre part, j’assiste l’association dans ses discussions avec les pouvoirs publics, notamment lorsque des amendements sont déposés. Il faut leur expliquer et réexpliquer en permanence ce qu’est la logistique, à quel point elle est indispensable à l’activité économique. Il faut faire preuve de pédagogie continuellement ». Ces échanges menés au sein d’Afilog lui donnent par ailleurs des clés de compréhension sur certains acteurs de la logistique, comme les logisticiens purs, qu’elle n’aurait pas rencontrés sinon.
Faire en sorte que les entrepôts ne soient pas surimposés
Parmi les actions de lobbying marquantes, Christine Daric en retient une en particulier, une des premières menées aux côtés d’Afilog. « En 2010, quand la redevance pour création de bureaux a été étendue à celle des locaux de stockage, afin de financer les travaux du Grand Paris, se souvient-elle, le taux était très élevé et risquait de mettre le développement des actifs logistiques à l’arrêt en Île-de-France. Nous avons donc travaillé ensemble, pour trouver le taux qui serait acceptable pour le secteur et la loi a finalement été modifiée en ce sens, ce qui a été la source d’une grande satisfaction ».
Aujourd’hui, selon elle, le grand danger est en effet que l’on vienne surimposer les entrepôts, déjà lourdement taxés, alors que ces structures ont un prix de revient relativement faible. Il est vital de surveiller par exemple que la taxe foncière ne subisse de nouvelles augmentations insupportables pour les opérateurs économiques comme ce fut le cas en 2018, notamment du fait de la requalification des sites logistiques en établissements industriels, ou encore que le poids de la taxe d’aménagement dépasse le prix du terrain, comme cela peut être le cas dans certaines communes. « Dans ces cas-là, on se rend bien compte que la situation n’est pas tenable pour les acteurs de l’immobilier logistique, qui, de fait, renoncent à leur projet », souligne-t-elle.
Un métier parfois difficile mais passionnant et qui demande de la créativité
Un autre dossier a marqué son esprit, pour la créativité qu’il a fallu déployer pour le mener à bien. « Un investisseur, fonds étranger géré par une banque privée, a voulu se lancer dans l’immobilier logistique avec une opération de plus de 120 millions d’euros, se souvient l’avocate. Il a fallu trouver des solutions techniques pour structurer l’opération de façon à minimiser les coûts d’acquisition et de sortie, en travaillant de concert avec l’asset manager pour définir les travaux nécessaires pour remplir le critère de la façade pour qualifier les immeubles d’immeubles neufs, ce critère n’étant pas évident s’agissant des entrepôts logistiques». Plus généralement, la motivation à exercer son métier repose sur le fait de devoir trouver, à chaque dossier, l’interprétation la plus adéquate du code général des impôts pour que des opérations, qui sinon n’auraient pas vu le jour, soient lancées.
Épanouie dans son métier d’avocate fiscaliste, Christine Daric tient toutefois à rappeler qu’il s’agit aussi d’une profession très prenante qui déborde souvent sur la vie personnelle. « Notre agenda ne nous appartient pas, il appartient à nos clients. Les vacances n’existent pas vraiment non plus, illustre-t-elle. Moi, ce quotidien me ravit, mais il faut avoir conscience de ses contraintes pour s’y accomplir ».