Environnement

Chantiers circulaires pour entrepôts logistiques, une pratique déjà à l’œuvre

22 août 2022
Lecture : 5 minutes

La valorisation comme ressource des déchets de déconstruction – plus de 42 millions de tonnes produites chaque année par le BTP – contribue à alléger l’empreinte carbone des chantiers des entrepôts logistiques. Coup de projecteur sur deux opérations à Vitrolles (13) et Corbas (69).

Photo 1 Cdcb Logistics
SEGRO a investi à Corbas dans un projet de DCB Logistics qui s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire (©DCB Logistics)

La question n’était plus de savoir si cela allait arriver mais quand. Le secteur de la logistique, roi de l’optimisation de flux, est en train de relever le défi de l’économie circulaire sur ses chantiers. La progressive mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) par le ministère de la Transition Écologique vise à proposer aux acteurs du BTP des solutions pour la valorisation des produits et matériaux de construction lors de la démolition d’un bâtiment : points de collecte sur tout le territoire, acteurs du recyclage et de la valorisation des déchets, d’éco-organismes pour certaines filières spécifiques. Ce déploiement doit se structurer dans les prochaines années, mais certains acteurs de la logistique ont déjà pris les devants.

À Vitrolles, une messagerie ultra-moderne qui a valorisé 90 % des déchets de déconstruction

C’est le cas à Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône, où le promoteur GEMFI, spécialisé dans la conception et la construction de bâtiments industriels et de parcs d’activités, a déconstruit une friche industrielle pour reconstruire un programme en plusieurs phases de bâtiments dédiés à la distribution urbaine pour une surface totale de 20 000 mètres carrés à terme, la première phase - une messagerie ultra-moderne de 5 500 m² - ayant été livrée à son utilisateur au troisième trimestre 2021. Laurent Horbette, le directeur général de GEMFI (la branche développement et promotion de GICRAM Groupe), détaille l’articulation du projet : « Nous nous sommes associés à SEGRO, la foncière investisseur sur ce projet dont nous avions identifié le potentiel dès 2017 et pour lequel nous sommes concepteur et constructeur. Concrètement, il s’agit de la revitalisation d’une friche d’une dizaine d’hectares, d’abord par la démolition d’un entrepôt ancien et obsolète, d’une surface de l’ordre de 25 000 m², puis par la construction d’une nouvelle plateforme de messagerie à haut niveau de service, en réutilisant au maximum les matériaux issus de l’ancien bâti. »

Avec plusieurs avantages à la clé. D’abord la lutte contre l’artificialisation des sols, qui constitue un défi majeur du secteur logistique - même si Laurent Horbette rappelle que 95 % de ce phénomène est, en France, la conséquence du développement de l’habitat individuel. « Cette contrainte visant à artificialiser le moins possible est positive : si les terrains sont très bien placés et peu pollués, il est intéressant de rebâtir sur de l’obsolète. » L’impact est tant économique qu’écologique, avec l’évitement du coût d’évacuation des déchets - et autant de rotations de camions pour apporter des gravats et des matériaux sur place. « Le bâtiment existant était essentiellement constitué de béton et de métal, béton que nous avons pu réutiliser à plus de 95 %, grâce à un tri réalisé sur place par l’entreprise chargée de la déconstruction. Nous avons valorisé différents flux, principalement du béton concassé à plusieurs niveaux de granulométrie, pour produire des sablons propres à leur réemploi en fond de forme, tant pour les plateformes des nouveaux immeubles à édifier que l’ensemble des VRD du programme. »

Logistique Circulaire 2 Csegro
Le SEGRO Park Vitrolles (©SEGRO)

Investisseur long terme, SEGRO est une foncière immobilière spécialisée en plates-formes logistiques, distribution urbaine et parcs d'activités qui sélectionne de plus en plus de projets dans lesquels l’économie circulaire est intégrée en amont de la construction. Et pour cause : Laurence Giard, directeur général de SEGRO France, précise que « l’analyse de cycle de vie d’un chantier de ce type montre que la production des matériaux de construction constitue 75 % des émissions de gaz à effet de serre. Le réemploi permet ainsi de limiter drastiquement notre impact carbone et d’engager un cercle vertueux », et le projet bénéficie d’une labellisation environnementale BREEAM.

Construire en hauteur et sur des sites existants pour réduire l’artificialisation des sols

À 300 kilomètres plus au nord, à Corbas dans la proche banlieue de Lyon (69), SEGRO a investi dans la première messagerie à étage au cœur d’un centre urbain, qui sera livrée fin 2022. Ce projet, financé dans le cadre d’une vente en état futur d’achèvement (VEFA) est développé par DCB Logistics, « un promoteur pure player en logistique et messagerie » selon son directeur général Laurent Séven. Ici aussi, l’objectif est de s’adapter à la raréfaction des fonciers en réhabilitant des friches, pour bénéficier d’emplacements privilégiés et optimiser des sols déjà artificialisés, notamment grâce à la construction à étage qui contribue à contenir l’empiètement.

Côté SEGRO, l’économie circulaire autour du chantier a fait partie des éléments qui ont favorisé l’acquisition de la future messagerie, insiste Laurence Giard : « La déconstruction et le réemploi des matériaux sur site est un facteur important dans nos décisions d’investissement. Nous visons à réutiliser 80 à 90 % des matériaux. » Le bilan carbone d’un chantier sans effort particulier sur le recyclage est généralement d’environ 800 à 1000 kg équivalent CO2/m². L’objectif de SEGRO est de tendre vers les 400 kg eqCO2/m² grâce à une approche d’économie circulaire et de réemploi des matériaux, notamment. Laurent Séven précise la démarche engagée à Corbas : « Nous avons recyclé plus de 90 % des déchets de déconstruction. L’immense majorité des matériaux recyclés ont été réutilisés pour notre propre chantier, sauf le bardage qui était en mauvais état. Les agrégats de béton ont servi à la remise en état des sols pour le fond de la plateforme. »

Logistique Circulaire 3 Cdcb Logistics
(©DCB Logistics)

La logistique circulaire, un axe stratégique de la responsabilité sociale

Le bilan de l'opération est bénéfique sur le plan environnemental - avec une certification BREEAM Very Good de la messagerie - et neutre sur l’impact financier. Pour Laurent Séven, la satisfaction est ailleurs : « Chez DCB Logistics nous nourrissons un sentiment de fierté à mener ce type de chantiers, à la fois pour l’environnement et pour la qualité de travail des futurs usagers. »

SEGRO est signataire de la charte des engagements réciproques État-Afilog pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique, l’ambition du groupe sur la stratégie RSE étant élevée : « Nous menons une politique très quantifiée avec des indicateurs mis en évidence dans les ACV (analyse du cycle de vie) sur l’intégralité de la durée de vie de nos bâtiments ou des bilans carbone systématiques. Laurence Giard complète : Nous travaillons sur des sujets comme la lutte contre l’imperméabilisation des sols, la production d’énergie renouvelable grâce aux toitures photovoltaïques, la végétalisation des espaces, la prise en compte de la biodiversité ainsi que le bien-être au travail pour les utilisateurs de nos bâtiments. » De la valorisation des matériaux grâce à l’économie circulaire à celle des espaces de travail futurs, la boucle vertueuse est bouclée.

À lire aussi