De nouveaux matériaux en immobilier logistique
Alors que la France a annoncé sa volonté d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, tous les secteurs d’activité ont entamé une politique de réduction de leurs émissions carbone. La logistique ne fait pas exception. En matière d’immobilier, de nouveaux process ont été mis en place, ainsi que de nouveaux matériaux… dans certaines limites.
Les acteurs de l’immobilier logistique ont pleinement conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans l’objectif de neutralité carbone que s’est fixé la France d’ici 2050. « Lorsqu’on adopte une démarche bas carbone, nous cherchons naturellement à trouver de nouveaux matériaux, pour une construction plus respectueuse de l’environnement mais aussi pour un usage moins impactant tout au long de la vie du bâtiment », assure Christophe Ripert, directeur général délégué de Quartus Logistique. Le Groupe Quartus s’est très tôt impliqué dans la construction en terre crue. C’est en 2017 que Quartus a rejoint Cycle Terre en tant que partenaire de la démarche au côté entre autres de l’Université Gustave Eiffel, Sciences Po, la Ville de Sevran, Grand Paris Aménagement, Société du Grand Paris. Cette démarche visait à réutiliser les terres excavées non polluées des chantiers franciliens notamment celles du Grand Paris express. Quartus était à ce titre maître d’ouvrage et investisseur de la Fabrique Cycle Terre à Sevran (93) pour la production de matériaux de construction en terre crue. Trois ATEx de type A avaient été obtenus pour garantir des ouvrages construits. Les blocs de terre crue issus de la fabrique de Sevran ont été utilisés notamment pour des parois intérieures du complexe événement et sportif, « Arena Grand Paris » inauguré en septembre 2024 au sein de la ZAC Aerolians Paris sur la commune de Tremblay-en-France. « Malheureusement, ce projet pensé en circuit court, a dû être stoppé fin 2024, regrette Christophe Ripert. Mais le groupe Quartus ne renonce pas pour autant à ce nouveau matériau et envisage de le mettre en œuvre dans le cadre d’un nouveau projet pour les parties tertiaires et locaux techniques ».
Le bas carbone… dès que c’est possible
On voit également apparaître de plus en plus sur les brochures des acteurs de l’immobilier logistique la mention « béton bas carbone ». Le constructeur GSE l’utilise d’ailleurs pour les dallages de tous ses projets de construction, et propose également « une structure bois pour les bureaux, allant de la simple structure poteaux/poutres en bois, mais pouvant également inclure des planchers bois-béton, des murs et des toitures en ossature bois », précise Marc Esposito, directeur innovation du groupe GSE. « Le béton bas carbone se compose de ciment industriel additionné de composés minéraux, comme l’argile calcinée, les cendres volantes ou les laitiers de hauts fourneaux. Suivant le dosage de ces additions, il est possible d’atteindre des réductions de l’empreinte carbone des bétons de près de 70% », précise-t-on sur le site de Bouygues Construction. « Le ciment que nous avons utilisé sur un de nos projets à Lyon, le CEM III 3A, a par ailleurs nécessité moins d’énergie pour être produit, d’autant qu’il provient d’une usine à proximité du chantier, précise Salvi Cals, directeur général de Panattoni France. Même chose pour l’acier bas carbone, Xcarb d’ArcelorMittal, que nous avons choisi sur ce même projet, produit avec un taux accru d’acier recyclé et chauffé dans un four alimenté par des énergies renouvelables ». Selon Salvi Cals, il est toutefois nécessaire de faire appel à des matériaux éprouvés, mais aussi qui ne mettent pas en péril la soutenabilité économique du projet. « Sur la construction d’une messagerie que nous avons en cours à Lyon, l’économie de GES est d’environ 25% à la construction par rapport aux émissions moyennes pour un projet de ce type construit de manière traditionnelle. En parallèle, la démarche bas carbone mise en œuvre sur le projet représente 3 % du coût total des travaux. Cela reste raisonnable pour un projet en blanc ».
Une évolution progressive
Si la mise en œuvre de matériaux nouveaux et bas carbone n’est pas toujours simple, les choses évoluent progressivement. « Il y a à peine 10 ans, l’éclairage LED (basse consommation) était l’exception, c’est aujourd’hui la norme », souligne Christophe Ripert. Le phénomène est similaire en ce qui concerne l’usage du bois dans l’immobilier logistique. « Mais il est parfois plus cohérent d’utiliser des matériaux plus « classiques », rappelle Salvi Cals. Nous avons l’exemple d’un bâtiment où il fallait des poutres de 42 mètres de portée. En bois, l’épaisseur nécessaire aurait été un non-sens. L’acier était la solution la plus cohérente ». Il défend par ailleurs une démarche d’amélioration progressive des bâtiments, sans révolution majeure, mais avec une approche pragmatique selon les caractéristiques de chaque projet, sans se priver pour autant d’utiliser des nouveaux matériaux quand ils sont validés, comme, par exemple, « un bardage constitué de sciures de bois, sur notre projet de Moissy-Cramayel ».
Économie circulaire et réemploi
L’innovation en matière d’immobilier logistique que l’on observe de plus en plus souvent, réside sans doute, non pas dans les matériaux eux-mêmes, mais dans leur circuit d’approvisionnement. « Des usines à proximité, comme pour le béton bas carbone ou encore l’utilisation de matériaux issus d’autres chantiers... , cite Christophe Ripert. Ce qui compte est l’Analyse du Cycle de Vie (ACV), une méthode d'évaluation normalisée permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et multi-étape d'un système sur l'ensemble de son cycle de vie, et non pas seulement sur le produit fini ». Il rappelle par ailleurs que la quête d’une exploitation la plus économe possible influence nécessairement le choix des matériaux. Dans la même logique économique, mais aussi de bon sens, le réemploi des matériaux semble progressivement faire son chemin. « Les produits de réemploi sont évalués à zéro carbone, rappelle Marc Esposito. Nous avons ainsi plusieurs chantiers-tests pour les produits de finition, qui ne posent aucun problème au niveau des assurances. Certaines structures acier sont également réemployables sans frein des compagnies d’assurance ». Le groupe GSE travaille également en collaboration avec Rockwool, pour trouver le circuit idéal pour le réemploi de la laine de roche en isolation. « Le principal frein au développement du réemploi dans nos métiers repose principalement sur des problématiques de logistique : qui s’occupe de la dépose des matériaux sur un chantier, les stocke, puis les livre sur un deuxième chantier ?, souligne Marc Esposito. Certes des plateformes digitales sont apparues ces dernières années pour la mise en relation, mais elles ne pourront se maintenir qu’avec la mise en place d’une logistique plus structurée qu’aujourd’hui».
Répondre aux attentes du marché
Cette recherche pour réduire l’empreinte carbone du bâtiment répond donc aux attentes, réglementaires et économiques d’une part, mais aussi « des financiers et investisseurs qui veulent des bâtiments liquides et donc avec des certifications environnementales les plus élevées possibles, permises entre autres par les nouveaux matériaux, avance le directeur général délégué de Quartus Logistique. De grandes entreprises internationales sont également demandeuses de cette démarche, notamment pour leur bilan RSE ». D’autre part, les acteurs de l’immobilier constatent que cette approche est également plébiscitée par les territoires qui l’inscrivent dans le cahier des charges de leur PLU.