Économie

G. Cailloux : « La logistique constitue un levier de compétitivité crucial pour notre industrie »

22 août 2022
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Le gouvernement a annoncé mi-février 2021 avoir soutenu 782 projets de relocalisation d’activité industrielle sur le territoire français dans le cadre du plan France Relance initié en septembre 2020. Une dynamique dans laquelle la logistique occupe une place stratégique. Explications avec Geoffroy Cailloux, Sous-Directeur des Services Marchands à la Direction Générale des Entreprises.

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(©D.R.)

Quel est le niveau de réindustrialisation constaté en France ces derniers mois ?

Geoffroy Cailloux : Dans le plan France Relance, nous avons prévu trois dispositifs de soutien direct à l’investissement productif, autour de quatre grandes priorités : (re)localiser, moderniser, innover et décarboner. Dans ce cadre, trois dispositifs nationaux ont été lancés. Le premier dispositif est un appel à projet consacré à la relocalisation des secteurs critiques de la santé, de l’agroalimentaire, de l’électronique, de la 5G et des intrants essentiels à l’industrie. Il dispose d’une enveloppe de 850 M€. Le deuxième est un appel à manifestation d’intérêt qui vise spécifiquement à renforcer les capacités des industries de la filière Santé à lutter contre l’épidémie de Covid-19. Il s’appuie sur une enveloppe de 671 M€ qui a été attribuée à une soixantaine de projets, permettant ainsi de créer un peu plus de 3.000 emplois.

Le troisième dispositif est un fonds d’accélération des investissements industriels dans les « Territoires d’industrie ». Co-piloté par l’État qui l’abonde à hauteur de 700 M€ et par les Régions qui mobilisent 250 M€, il soutient les projets industriels avec un fort impact sociétal et économique. Parmi les 1.800 projets lauréats à ce jour, près de 250 sont des relocalisations industrielles représentant un volume d’investissements industriels total après effet de levier de plus d1 Md€. Plus de 6.800 emplois industriels ont ainsi été créés et près de 40.000 confortés. Au total, l’État a donc soutenu près de 800 projets de relocalisations à travers ces différents dispositifs qui ont permis de créer et conforter environ 100.000 emplois.

Quelles sont les principales caractéristiques des entreprises qui incarnent cette dynamique ?

Geoffroy Cailloux : Sur environ 500 lauréats du dispositif consacré à la relocalisation des secteurs critiques, deux tiers sont des PME. Parmi les 72 derniers lauréats dévoilés le 17 février dernier, un projet va conduire à la création de deux usines de fabrication de nourriture innovante dans les Hauts-de-France à partir de farines de végétaux et d’insectes pour l’alimentation humaine et animale. Porté par Rohart Investment & Trading, il contribuera à réduire la dépendance de la France aux importations de protéines végétales. Autre exemple sur le segment des terres rares, le projet « Reealloying Magnet » permettra de produire, grâce au recyclage d’aimants à Terres Rares, de nouveaux aimants haute performance à destination des industriels européens. Cette innovation est portée par la TPE « MagREEsource », spin-off du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Grenoble. 

« La compétitivité logistique est un prolongement de la compétitivité industrielle »

Quel rôle occupe la logistique dans ce mouvement de réindustrialisation ?

Geoffroy Cailloux : Pendant la crise sanitaire, la logistique s’est révélée être un levier de résilience majeure pour l’économie. Aujourd’hui, elle constitue un levier de compétitivité hors prix crucial pour notre industrie. Si nous avions les meilleures usines du monde mais une logistique défaillante, cela reviendrait à avoir des usines déficientes dans la perception du client final. La compétitivité logistique est donc un prolongement de la compétitivité industrielle. Conscient de cet enjeu, l’État accompagne le développement de la logistique française depuis deux ans, tant au niveau des flux que des sites et du foncier, à travers les comités interministériels de la logistique (CILOG), avec l’appui de France Logistique, présidé par Madame Anne-Marie Idrac, et de ses membres, au sein desquels AFILOG joue évidemment un rôle moteur sur les enjeux de l’immobilier logistique.

Justement, comment le gouvernement accompagne-t-il la réorganisation des schémas logistiques dans cette logique de réindustrialisation ?

Geoffroy Cailloux : Cet accompagnement s’est manifesté de plusieurs manières au cours des derniers mois. En 2021, les débats parlementaires qui se sont déroulés lors de l’examen de la loi Climat et Résilience ont permis de remettre à plat les problématiques autour du foncier logistique et de lutter contre certaines idées reçues. Le texte législatif publié le 22 août renforce ainsi la prise en compte de la logistique dans les documents locaux d’aménagement tels le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et le schéma de cohérence territoriale (SCOT). Il est important de comprendre les flux globaux au niveau macro et ensuite d’aiguiller la déclinaison de cette compréhension au niveau local pour optimiser le maillage.

« La charte d’engagements réciproques entre l’Etat et les professionnels de l’immobilier logistique complète la loi Climat et Résilience »

A cela s’ajoute la charte d’engagements réciproques entre l’État et les professionnels pour la performance environnementale et économique de l’immobilier logistique signée fin juillet 2021. Elle complète la loi Climat et Résilience avec des moyens différents. Ce document traduit notamment l’engagement de la puissance publique à faire effort de transparence et de pédagogie sur le droit applicable en matière de portage des projets. Le ministère de la Transition écologique et celui de l’Économie seront vigilants aux remontées de terrains des professionnels.
Enfin, instruction a été donnée aux préfets de lancer des conférences régionales de la logistique afin de mettre en rapport les besoins en foncier logistique et l’offre. Cette mutualisation des réflexions va faciliter l’identification des endroits propices à l’optimisation des flux logistiques dans une logique environnementale et permettra d’outiller les collectivités locales dans leur appréhension de ce sujet. Les deux premières conférences organisées en Bourgogne Franche-Comté et en Île-de-France ont vu se rassembler des acteurs qui n’avaient pas nécessairement l’habitude de se côtoyer. Les prochaines auront lieu dans les prochaines semaines. Nous attendons d’ici septembre un bilan de ces conférences. A terme, nous espérons qu’elles permettront de contribuer à la lisibilité pour les acteurs économiques de la carte logistique des territoires.

Quel regard portez-vous sur la hausse des loyers constatée dans l’immobilier logistique ?

Geoffroy Cailloux : Dans le contexte général de hausse des prix et de tension sur certains marchés immobiliers, nous sommes conscients que les loyers des sites logistiques peuvent augmenter dans certaines zones. La dynamique des conférences régionales de la logistique doit ouvrir la réflexion quant à de nouvelles manières optimisées de répartir l’offre sur le territoire national. Cela passe par un travail d’anticipation rassemblant l’État, les collectivités locales et les professionnels du secteur. Les synergies recherchées avec la démarche « territoires d’industrie » en sont un bon exemple : les collectivités qui proposent des sites clés-en-mains pour accueillir des usines doivent également pouvoir promouvoir une offre logistique en veillant à optimiser les flux. De manière schématique, avoir un seul site central de 100.000 m2 vaut mieux que d’en construire dix de 10.000 m2 de manière dispersée, tant du point de vue de la performance économique qu’environnementale.

Quels sont les perspectives pour les mois et les années à venir en matière de réindustrialisation en France ?

Geoffroy Cailloux : La réindustrialisation est une priorité pour le gouvernement. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique, souhaite que nous allions plus vite et plus fort. Dans la continuité des dernières années, nous accompagnerons donc cette dynamique et ambitionnons même de l’accélérer. L‘actualité démontre que nous avons vraiment besoin d’assurer notre souveraineté sur les chaînes industrielles clés. Sans oublier qu’une telle approche a des retombées positives pour l’emploi et l’économie de notre pays.

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