Territoires

Gérer l’imprévisible : la logistique au cœur des Banques Alimentaires

28 mars 2024
Lecture : 4 minutes

En 2022, les Banques Alimentaires ont distribué près de 224 millions de repas pour soutenir plus de 2 millions de personnes en France. Chaque jour, 5 tonnes de denrées sont collectées, traitées et stockées avant d’être distribuées. Une logistique de l’humanitaire millimétrée. Coup de projecteur sur cette organisation essentielle.

Logistique Banques Alimentaires
Un entrepôt d'une Banque Alimentaire ©Daniel Perron

Chaque année, le dernier week-end de novembre, les Banques alimentaires organisent leur Collecte Nationale dans les magasins partout en France. Ce week-end de solidarité constitue un rendez-vous annuel historique, où les bénévoles, reconnaissables à leurs gilets orange, sollicitent la générosité du public pour soutenir les plus démunis tout au long de l'année. Des collectes indispensables alors que la précarité alimentaire s’aggrave : « Nous enregistrons une hausse du nombre de nos bénéficiaires qui va de +6 à +10 % selon les années » déplore Yesim Broet, responsable du service Ressources Alimentaires au sein de la Fédération Française des Banques Alimentaires.

En cause, la précarisation accrue de la société, du marché du travail, particulièrement depuis la Covid et l’inflation qui s’est accélérée sur les denrées alimentaires en raison notamment de la guerre en Ukraine. À l’inverse, « les dons diminuent » regrette-t-elle. Premier réseau d’aide alimentaire en France, malgré les défis constants auxquels elles sont confrontées, les Banques Alimentaires peuvent compter sur une logistique sans faille.

L’expertise logistique des Banques alimentaires

40 ans après la création de la première Banque Alimentaire à Arcueil en Ile de France, le réseau en compte aujourd’hui 79 et 31 antennes réparties en métropole et dans les DOM-TOM « Soit près de 162 000 m2 d’entrepôts, détaille Yesim Broet. Chaque banque alimentaire possède son propre entrepôt, des bureaux, des camions et bien sûr des effectifs bénévoles mais aussi salariés. » Fin 2022, le réseau des Banques alimentaires disposait de 680 véhicules dont la moitié en froid positif. « Tous les matins, grâce à ces camions, nos équipes font ce que l’on appelle la ramasse c’est-à-dire, la tournée des hypermarchés, supermarchés ou encore marchés de gros de chaque département pour récupérer les invendus de la veille » explique Yesim Broet.

Une fois ramassées, les denrées alimentaires sont triées et catégorisées à l’entrepôt en fonction de leur nature, température mais aussi date de péremption. Ces denrées sont ensuite enregistrées dans un ERP : un outil de gestion de stock lequel référence chaque produit de chaque banque alimentaire. Place ensuite à la distribution. « Nous accompagnons plus de 6 050 associations » explique Yesim Broet. Parmi elles, La Croix Rouge, Emmaüs, le Secours Catholique ou encore les Caisses communales d’actions sociales, les associations de quartier et les épiceries sociales. La distribution s’adapte à la logistique de chaque structure.

« Nous avons un planning de visites au sein de nos entrepôts pour les associations qui possèdent leur propre véhicule et qui ont passé commande au préalable » poursuit-elle. Une commande qui tient compte du nombre de bénéficiaires qu’accompagne la structure, de ses capacités de stockage ou encore des modalités de distribution. « Une association qui distribue en maraude n’a pas les mêmes besoins de produits qu’une association qui réalise des distributions en hôtel d’urgence. » détaille Yesim Broet. Pour les structures sans véhicules, les Banques alimentaires se chargent de la livraison. Enfin, dans certains territoires, ces dernières réalisent elles-mêmes la distribution directement aux bénéficiaires. C’est le cas par exemple dans des territoires ruraux.

« Une Banque Alimentaire, c’est une vraie PME, qui gère des flux entrants et sortants, qui opère comme un acteur de l’agroalimentaire mais entièrement dédié à la solidarité, à la lutte contre la précarité »

Agilité et mutualisation

« La logistique est essentielle au bon fonctionnement de notre réseau car nous gérons au quotidien de l’imprévisibilité, explique Yesim Broet. Par définition, un don est imprévisible. Notre logistique est organisée pour un maximum de réactivité. Lorsqu’un donateur nous contacte, il faut trouver un camion disponible rapidement, aller chercher le don, puis le trier, le codifier, le stocker et le distribuer au plus vite. » Une logistique millimétrée qui demande donc beaucoup d’agilité. Pour y parvenir, les Banques Alimentaires peuvent compter sur un maillage géographique très dense. Outre les différentes antennes des Banques Alimentaires et les plus de 6 000 structures partenaires, le réseau fait également appel à des transporteurs routiers. « Nous passons de plus en plus des accords nationaux avec eux, afin de bénéficier de dons de transports ou de grilles tarifaires privilégiées ».

En outre, afin de réduire l’impact carbone de l’activité, la logistique du réseau des Banques Alimentaires est mutualisée. « Les banques alimentaires s'organisent en trois échelons : le département, la région et le national avec la Fédération, indique Yesim Broet. Nous collaborons étroitement à ces trois niveaux, ce qui nous permet de mutualiser nos ressources logistiques et de réduire notre impact environnemental. » En Auvergne-Rhône-Alpes, le réseau a par exemple bénéficié d’un financement pour acheter deux camions. « Ces camions ne circulent jamais à vide. Les flux sont optimisés entre les sites des donateurs et les différentes Banques Alimentaires de la région, de manière à assurer la meilleure répartition possible d’un don issu d’un donateur, mais aussi le partage de palettes de produits entre Banques Alimentaires.. »

Une mutualisation rendue possible grâce à un outil, unique : Clickdon. « Lorsque nous recevons un don important, l'information est relayée à chaque échelon grâce à cet outil : la Fédération, la région et le département. Chaque banque alimentaire remonte à sa région ses besoins, et chaque région transmet l'information à la Fédération ». Une logistique mutualisée ,solidaire et eco-responsable, qui permet chaque année de sauver de la destruction 75 000 tonnes de denrées alimentaires afin de les redistribuer. « Une banque alimentaire, est une organisation soldiaire, experte de la logistique alimentaire, et bien plus : elle joue sur son territoire un rôle majeur dans l’accompagnement social, proposée aux personnes accueillies, et le soutien apporté aux structures partenaires.. L’aide alimentaire doit toujours être un tremplin pour sortir de la précarité » souhaite toutefois rappeler Yesim Broet.

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