Industrie, logistique et crèmes glacées, l’histoire centenaire de Miko à Saint Dizier
Implantée depuis plus d’un siècle à Saint-Dizier (Haute-Marne), l'usine de production de crèmes glacées Cogesal Miko - détenue par le groupe Unilever emploie 200 personnes. Elle produit notamment l’iconique glace Magnum pour la France. Découvrez les coulisses de cette incroyable histoire familiale, industrielle… et logistique.
La photo en noir et blanc date d’un peu plus d’un siècle. Flanqué d’un tablier immaculé, on y voit Luis Ortiz Martinez prendre la pose, entouré de sa femme, de leurs quatre fils et de deux chariots à glaces dans une rue de Saint-Dizier en Haute-Marne. Une image d’un autre temps, à un détail près : en 2024, on produit toujours des crèmes glacées dans la ville sur les bords de Marne. « C’est une histoire de famille incroyable. En 1922, après avoir traversé plusieurs régions françaises, Luis Ortiz Martinez s’installe à Saint-Dizier. Pour survivre, cet émigré espagnol propose des marrons chauds ainsi que des crèmes glacées dont la recette provient de son village de Cantabrie, raconte Yohann Caillot, Directeur de l’usine de production Cogesal Miko à Saint Dizier depuis 2019. Au fil des décennies, cette entreprise familiale va connaître un énorme succès grâce notamment à la passion et à l’énergie des fils du fondateur. C’est une véritable success-story à la française. »
Devenue Miko, l’entreprise de la famille Ortiz élargit son activité à l’ensemble des produits laitiers, sponsorise des équipes cyclistes sur le Tour de France et, le plus important, gagne le cœur des gourmands. Dans les années 90, une page se tourne : les fils du fondateur décident de prendre leur retraite et de céder leur affaire à Cogesal, la division surgelée du groupe international Unilever. Tout change mais rien ne change. Si Miko finit par quitter le centre-ville de Saint-Dizier, c’est pour mieux déménager, à quelques kilomètres de là, dans sa nouvelle usine moderne de Trois-Fontaines. Pour Quentin Brière, maire de Saint-Dizier, « Miko fait du patrimoine de notre ville et des bragards. C’est une fierté de voir cette usine continuer à être un site de production ».
Entre industrie moderne et tradition artisanale
Trente ans plus tard, c’est toujours depuis ce site industriel que l’entreprise continue d’affoler les compteurs. Jugez plutôt : Des dizaines de millions de bâtonnets, cônes et bacs, 30 000 palettes stockées simultanément à - 20 °C, 200 salariés permanents qui s’affairent sur les lignes de production et dans les entrepôts. Ces quelques chiffres suffisent à comprendre le défi industriel que représente le bon fonctionnement de l’usine haut marnaise. Quelque part entre les recettes centenaires de Luis Ortiz Martinez et l’excellence industrielle d’un groupe international comme Unilever. « Souvent les visiteurs de notre usine sont étonnés de constater que d’une salle à l’autre vous pouvez passer d’un procédé totalement automatisé, à une méthode de fabrication qu’on croirait tout droit sortie de Charlie et la Chocolaterie. Je pense par exemple à cette étape durant laquelle les Magnums à la vanille viennent, l’un après l’autre, se tremper dans un bain chocolat. Malgré son environnement hautement industriel, il y a un côté magique dans ce site de production. » C’est certain, vous ne regardez plus jamais votre bâtonnet glacé préféré de la même façon après la lecture de cet article.
Un défi logistique à relever chaque jour
Pour Yohann Caillot et ses équipes, le défi quotidien est aussi logistique. En amont, il faut s’assurer que l’arrivée des matières premières coïncide avec les besoins de la production. « Nos flux sont assez tendus, avec très peu de stocks. Sur la partie alimentaire, nous devons avoir au maximum trois jours d’avance à l’usine. Même si certaines ressources sont utilisées quasi quotidiennement comme le chocolat, le sucre ou la crème, nous en stockons peu pour éviter le gaspillage. Tout comme les éléments de packaging. Nous avons une approche similaire en aval. Les produits finis doivent rapidement prendre le chemin des différents distributeurs. »
Pour éviter les ruptures de chaîne, l’usine s’est dotée en 2006 d’un entrepôt surgelé entièrement automatisé et digitalisé. Il est situé à plus de 150 mètres de l’usine, au bout d’un tunnel de liaison entièrement réfrigéré dans lequel circulent des AGV (Auto Guided Vehicules) transportant 24h/24, de façon autonome, les palettes de glace fraichement produite jusqu’à leur emplacement de stockage. L’entrepôt, avec ses 6 000 m² sous 42 m de hauteur, son bâtiment de prestation de 16 m de haut comportant 3 étages et 8 quais de chargement en négatif, permet à STEF, le prestataire, d’expédier une palette de glace en 20 minutes où qu’elle se trouve dans l’entrepôt. Ceci grâce à un ensemble de robots Magmatic se déplaçant en 3 dimensions dans les 220 000 m3 de stockage, et un ensemble de convoyeurs qui prennent le relai jusqu’au poids lourd. Et jamais, de son emplacement de stockage à son emplacement dans le camion, la palette ne quitte ses douillets -20°C. « Nous n’avons jamais cessé de faire progresser cet équipement depuis son inauguration », souligne Yohann Caillot. Un équipement qui, à coup sûr, aurait émerveillé les père et fils Ortiz dont l’ancien site du centre-ville - et sa célèbre Tour Miko - accueille désormais un cinéma et un musée à la gloire de la marque
Sur le chemin de la décarbonation
L’avenir du site ? C’est évidemment la poursuite et même l’accélération des efforts du plan stratégique de réduction de l’empreinte environnementale du site de Saint-Dizier. Objectif : décarboner 100 % du site sur le périmètre du scope 2 à horizon 2030. Très consommateurs d'énergie, les entrepôts réfrigérés sont au centre des attentions. Isolation, organisation de la production, mesure et analyse des données de consommation… Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont déjà été mises en place pour optimiser leurs performances énergétiques.
Sans ralentir les efforts sur le bâti, les prochaines actions de ce plan stratégique devraient cibler les transports (optimisation, électrification…) et bien sûr, la consommation d’eau. Alors que plusieurs des territoires français ont vécu des arrêtés sécheresse ces dernières été, la sobriété en eau s’impose en effet comme un enjeu non seulement environnemental mais aussi opérationnel pour Cogesal Miko. Assurer l’avenir donc, mais sans jamais oublier la mission originelle fixée par Luis Ortiz Martinez : satisfaire la gourmandise des grands et des petits. « Nous organisons régulièrement des visites avec des écoles et les collèges de la région. Les enfants sont toujours très enthousiastes ! J’ai moi-même un petit garçon de 3 ans et il adore venir me voir à l’usine. Vous me direz, c’est peut-être parce qu’il sait qu’il aura le droit de manger une glace à chaque fois », sourit Yohann Caillot. Une histoire de famille, assurément.