La logistique, une question d’aménagement du territoire
Quel secteur sait concilier efficacité économique, réduction de l’empreinte environnementale et impact territorial positif. Quel secteur œuvre dans l’ombre pour l’équité territoriale ? Quel secteur permet à des habitants, à Paris, Mende ou Molène d’avoir accès à des produits et services équivalents ? C'est l'ambition de la logistique. Souvent reliée aux politiques publiques de transport, d’intermodalité ou de développement économique, cette activité est avant tout un sujet d’aménagement des territoires. Cette thématique était au cœur des rencontres AMF - le 8 mars 2023 à Paris - réunissant élus et professionnels du secteur. Résumé.
« Nous avons la ferme conviction que la logistique est une question d’aménagement du territoire, et non seulement de transport et de développement économique. Notre association travaille d’ailleurs depuis plus de 20 ans sur la spatialisation de la logistique, à la croisée des lieux et des flux qui les relient ».
Difficile d’envoyer un message plus clair que celui adressé par Claude Samson, Président d’Afilog - association professionnelle des acteurs de l'immobilier logistique et des acteurs de la supply chain - en ouverture des rencontres AMF du 8 mars dernier. Provoquant la rencontre et l’échange entre élus et acteurs de la gestion logistique, cet événement a réuni plusieurs élus mais aussi des acteurs de la filière comme le Cerema, la Fédération nationale des agences d'urbanisme (Fnau), le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et donc Afilog.
La logistique, un « bien nécessaire » pour tout territoire
Tous partagent le même constat : la bonne intégration des activités logistiques s’impose comme un enjeu crucial pour les communes et territoires. « Aujourd’hui, les collectivités ont pris en main l’aménagement du territoire à l’intérieur de la ville mais elles se heurtent à quatre contraintes : le tissu urbain historiquement resserré ; l’évolution du e-commerce ; l’importance des ZFE ; et la volonté de l’État de réduire l’importance de cette logistique dans nos zones d’activité », explique Frédéric Cuillerier, co-président de la commission mobilité de l’AMF et maire de Saint-Ay (45). Même observation pour Sylvain Robert - son confrère de Lens (62) et co-président de la commission aménagement de l’AMF - qui assiste à une forte croissance des déplacements routiers sur son territoire. « S’il n’existe pas de solution simple face à la recrudescence d’achat en ligne, anticiper la saturation à venir est l’enjeu ».
De son côté, Pierre-Alain Roiron - co-président de la commission développement économique de l’AMF et maire de Langeais (37) - rappelle que le transport et la livraison des marchandises « entraîne des coûts pour les collectivités locales » (routes …) et estime qu’il convient donc d’engager « une réflexion globale autour de la logistique ». Mais, loin de l’image, persistante du « mal nécessaire » qu’a parfois la logistique, celle-ci est un « bien nécessaire », selon Claude Samson. C’est le fil qui permet de relier tout citoyen, quelle que soit sa géographie, à des produits et aménités équivalentes.
Favoriser des concertations locales
Élus, établissements publics et entreprises semblent donc déterminés à travailler ensemble pour intégrer pleinement le développement logistique dans les stratégies d’aménagement de demain. D’autant plus que l’image du secteur n’est plus la même. « Pendant la Covid-19, les regards des citoyens et des élus ont changé sur la logistique. On s’est rendu compte qu’elle était présente dans nos villes et cela a fait un déclic », explique Zoé Chaloin, chargée de mission urbanisme pour la FNAU. Alors comment s’y prendre ?
Tous les intervenants prônent une concertation au plus proche du terrain et donc des problématiques concrètes. « Quelles que soient les concertations que l’on peut avoir avec l’État, la réalité des choses se passe sur le terrain, dans les territoires et les communes. Nous travaillons sur la décarbonation des bâtiments logistiques mais s’ils ne sont pas bien localisés, ça ne sert strictement à rien. Un bâtiment trop éloigné de son périmètre de desserte, aussi vert soit-il ce bâtiment, c’est contre-productif », résume Claude Samson. La clé d’une logistique véritablement verte, c’est la bonne localisation des plateformes.
S’inspirer des meilleurs pratiques
Voilà pour la théorie, reste à passer au concret dans les territoires. « La logistique urbaine a toujours existé, au sens où les marchandises ont toujours circulé dans les villes. Mais les élus ont désormais pris conscience de la nécessité de l’intégrer dans les politiques publiques pour le bon fonctionnement de la ville, notamment dans les politiques d’aménagement, affirme Ivan Slastanova, chargé de mission au GART. La métropole parisienne concentre toutes les problématiques qui peuvent se poser, notamment des flux importants sur un espace contraint et restreint, ce qui n’empêche pas les autres territoires, là où il n’y a pas ou pas encore de contraintes, à s’y intéresser. » Les solutions en vogue ? L’usage de logiciels d’optimisation des tournées, la mutualisation de moyens de transport entre entreprises, les véhicules à faibles émission, les reports modaux…
Parmi les territoires exemplaires, Frédéric Cuillerier évoque notamment la ville de Grenoble qui est partenaire - depuis 2015 - d’un plan d’action « Logistique urbaine durable ». Ou encore la Métropole du Grand Nancy dont le Schéma logistique territorial (SLT) a été conçu et porté par les professionnels de la filière. Pour progresser sur ces sujets, les élus peuvent s’appuyer sur le programme InTerLUD, prolongé de quatre ans et renommé LUD+ en janvier dernier. « Il vise les collectivités et leur offre l'opportunité de bénéficier de l'assistance du Cerema pour appliquer une méthode (incluant la formation des techniciens et l'accompagnement des élus), ainsi que de l'assistance de Logistic Low Carbon pour rassembler tous les acteurs économiques concernés », explique Hélène de Solere, cheffe de projets au Cerema.
Sensibiliser les citoyens aux enjeux
Enfin, l’ultime enjeu clé sur ces sujets de logistique durable et d'aménagement du territoire est sans aucun doute la sensibilisation des citoyens. Il s’agit notamment de traiter la contradiction qui amène certains consommateurs à se plaindre des nuisances liées aux livraisons dans leur quartier, tout en recourant massivement à la livraison à domicile. Les collectivités peuvent par exemple inciter à l’usage de points relais ou espaces libre-service (lockers) plus vertueux en matière d’impact sur les transports. « Est-ce bien nécessaire de commander une brosse à dents à trois heures du matin ? La crise climatique doit nous faire poser les bonnes questions et je pense qu’en tant qu’élus, nous avons des messages à faire passer aux citoyens », affirme Alain Chrétien, co-président de la commission développement économique de l’AMF et maire de Vesoul (70).
Favoriser des concertations locales, s'inspirer des meilleures pratiques, sensibiliser la population… La feuille de route commune des élus et professionnels de la logistique pour les prochaines années est déjà toute tracée. Reste à lui donner une forme véritablement opérationnelle et ancrée dans le réel des territoires.
Tous propos recueillis par Maire-Info sauf Claude Samson, Hélène de Solere et Ivan Slastanova.