La nouvelle réalité des métiers de la logistique
Inclusion sociale, réduction de la pénibilité, perspectives d’évolution… Les métiers de la logistique ont bien changé depuis une dizaine d’années. Explications avec Christine Battesti, directrice territoriale déléguée Pôle emploi Var et référente sectorielle sur le secteur transport/logistique pour la direction générale, et Erwan Mohib, responsable grands comptes activité logistique du groupe Leader, groupe d’emploi*.
Quels sont les compétences et les métiers les plus recherchés dans la logistique, en particulier dans les entrepôts ?
Christine Battesti : Nous avons enregistré en 2021 une baisse de la demande d’emploi de 10 % dans le secteur logistique alors que les offres ont augmenté de 44 %. Les métiers les plus recherchés sont magasiniers, préparateurs de commande, caristes et techniciens en logistique d’entreposage, plutôt en CDI temps plein avec des possibilités de CDI contrat étudiant et d’intérim. A noter que tous secteurs confondus, 12 % des missions d’intérim sont dans la logistique. Pour travailler dans le secteur, le savoir-être est particulièrement regardé. Les candidats doivent être rigoureux, organisés, avoir l’esprit d’équipe et savoir gérer le stress pour être productifs. Les compétences techniques comme l’habilitation à conduire des engins de manutention peuvent s’acquérir via des mesures d’adaptation si un employeur souhaite recruter un candidat à condition qu’il suive un module complémentaire ou bien via la formation continue. Pôle emploi a réalisé 84 000 formations en 2021, sur l’ensemble du territoire pour le seul secteur logistique. 67 % des stagiaires ont retrouvé un emploi six mois après leur sortie de formation.
Erwan Mohib : Trois typologies sont particulièrement recherchées dans les entrepôts : les métiers qualifiés comme les préparateurs de commandes, les caristes et les chargeurs, les métiers non qualifiés à l’image des agents de conditionnement et les manutentionnaires, les postes d’encadrement intermédiaire tels que les chefs d’équipes. Au-delà des compétences de premier niveau que sont savoir lire, écrire et compter, nous veillons à ce que les candidats connaissent le fonctionnement d’un entrepôt, notamment en organisant des immersions in situ ou via des casques de réalité virtuelle, pour réaliser des recrutements pérennes. Quant aux compétences techniques comme l’habilitation à conduire des véhicules de manutention grâce au permis CACES (certificat d'aptitude à la conduite en sécurité) ou la connaissance des règles de sécurité, nous nous chargeons de former les candidats car le secteur souffre d’une pénurie de main d’œuvre.
Quelles sont les similitudes entre ces métiers et ceux du secteur de l’industrie ?
Christine Battesti : L’industrie et la logistique sont deux secteurs dynamiques qui embauchent et offrent des perspectives de carrière. Ils ont aussi en commun de s’être modernisés ces dernières années, en particulier au niveau des conditions de travail et de la sécurité. Enfin, la capacité à respecter les délais, le côté manuel et orienté client, le rythme de travail et les consignes de sécurité sont comparables, que l’on travaille dans l’industrie agroalimentaire ou la logistique. Les employés peuvent ainsi passer facilement d’un secteur à l’autre sous réserve d’avoir les compétences évoquées précédemment en matière de savoir-être.
Erwan Mohib : La logistique serait-elle devenue la nouvelle industrie ? Dans les Hauts-de-France par exemple, les entrepôts ont remplacé les mines d’hier dans le paysage selon le directeur de notre agence historique à Lens. Mais le parallèle s’arrête-là. Ce sont des acteurs impliqués au service de leurs clients. Au niveau du recrutement, des compétences communes peuvent être ressorties sur ces deux secteurs d’activité mais, là encore, le savoir être est primordial.
Les métiers de la logistique, en particulier dans les entrepôts, attirent-ils les jeunes ?
Erwan Mohib : J’évolue dans le secteur de la logistique et du transport depuis 12 ans. La logistique était le parent pauvre de mon activité il y a encore quelques années, nous avions des difficultés pour attirer les candidats. Cela évolue grâce à une conjonction de facteurs. D’abord, la logistique est en plein développement et recrute. L’implantation d’un nouvel entrepôt génère entre 100 et 500 nouveaux employés. De plus, c’est un secteur d’activité dans lequel l’ascenseur social fonctionne très bien : vous pouvez faire carrière dans la logistique en démarrant comme préparateur de commandes. En parallèle, le bien-être au travail est réellement pris en compte dans les entrepôts. Et les entreprises de la logistique font des gros efforts de communication pour faire connaître ces évolutions, notamment via les réseaux sociaux, et ainsi attirer les jeunes.
Christine Battesti : L’âge moyen des employés dans la logistique était de 41 ans en 2021 selon l’Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique (OPTL). Le turn-over était quant à lui de 14 %, ce qui est assez faible. Concernant les moins de 25 ans, ils représentent 13 % de la demande d’emploi dans le secteur de la circulation des marchandises. Bien que la logistique leur permette plus facilement de s’insérer dans la vie active et offre des perspectives d’évolution, elle les attire peu. Nous travaillons pour renforcer l’attractivité des métiers. Nous intégrons le sujet dans nos opérations mensuelles #TousMobilisés au cours desquelles les agences de notre réseau proposent des job dating, présentent les formations, font découvrir les métiers … Nous mettons aussi en place des immersions facilitées dans des entreprises qui ouvrent leurs portes aux demandeurs d’emploi. Concernant les jeunes qui n’ont pas toujours de permis de conduire ou de véhicule pour se rendre jusqu’aux entrepôts excentrés des aires urbaines, Pôle emploi peut leur proposer de coupler l’obtention du permis B et du CACES.
Quelles sont les perspectives d’évolution pour les employés dans les entrepôts ?
Erwan Mohib : L’ascension sociale est encore possible dans ce secteur d’activité et de plus en plus d’entreprises se donnent les moyens de faire évoluer les collaborateurs. Vous pouvez entrer comme manutentionnaire et gérer un site entier quelques années plus tard. Un débutant commence au SMIC, soit entre 1 678 euros brut et 1 750 euros brut. Il peut rapidement augmenter son salaire avec des primes. Son évolution se fera ensuite avec l’ancienneté. La rémunération des chefs d’équipes se situent entre 1 800 euros bruts et 2 300 euros bruts suivant l’expérience, et entre 2 500 euros bruts et 5 000 euros voire plus pour les directeurs selon les sites et le nombre de collaborateurs.
Christine Battesti : L’ancienneté moyenne dans le secteur de la logistique, tous métiers confondus, est de 9 ans. La part des femmes dans les métiers de la logistique est de 23 %. Pôle emploi s’attache à faire connaitre ces métiers auprès des femmes pour développer la mixité dans le secteur. De plus, la logistique est un secteur dynamique en matière d’inclusion, notamment en ce qui concerne le handicap. Concernant les perspectives d’évolution, les collaborateurs non qualifiés peuvent passer au bout de quelques années manutentionnaires, caristes, préparateurs de commandes, voire même chefs d’équipe. D’autres s’orientent vers les métiers du transport routier ou bien vers des fonctions supports comme le merchandising ou les services commerciaux.
Dans quelle mesure un événement comme la Semaine de la Logistique dont vous êtes partenaires peut contribuer à changer le regard sur le secteur ?
Erwan Mohib : La logistique n’a pas eu toujours bonne presse dans le passé. Ouvrir les portes des entrepôts permet de faire tomber des barrières en montrant les évolutions des conditions de travail et des métiers sans cacher les contraintes inhérentes à ces emplois
Christine Battesti : Consacrer une semaine à un secteur améliore sa visibilité. Et mobiliser des professionnels qui présentent les métiers de la logistique et leurs évolutions sur site est particulièrement impactant. Dans la continuité de la Semaine de la Logistique, Pôle emploi organisera du 5 au 9 décembre une semaine nationale dédiée aux transports et à la logistique dans toutes les régions. La concentration de ces événements permettra de changer l’image du secteur auprès du grand public et de le rendre plus attractif.
Comment évolue la pénibilité du travail dans les entrepôts ?
Christine Battesti : Les conditions de travail sont devenues moins pénibles grâce à la digitalisation et à l’automatisation, au rehaussement des racks pour éviter d’avoir à trop se baisser, l’optimisation du poids des colis, l’utilisation de casques avec commandes vocales pour éliminer les déplacements superflus… Le bien-être au travail est pris en compte dans les entrepôts avec l’aménagement de salles de pause, l’organisation de consultation avec des ostéopathes… Enfin, des actions sont déployées pour réduire le nombre d’accidents du travail : CACES dédié, recours à des indicateurs sonores ou encore identification visuelle de nouveaux arrivants.
Erwan Mohib : La pénibilité du travail est véritablement prise en compte et des réponses sont apportées pour la réduire. Par exemple, il devient fréquent de faire faire des échauffements aux employés avant leurs prises de postes ou d’organiser des permanences de masseur-kinésithérapeutes sur sites. Ces actions s’inscrivent dans une approche globale qui vise à fidéliser les collaborateurs et rendre le secteur logistique plus attractif. Chez Leader, nous accompagnons nos clients sur les sujets RSE et nous avons défini des enjeux sur les trois volets du développement durable : économique, environnement et social, en nous appuyant et en appliquant la norme ISO 26000 pour laquelle le groupe est évalué au niveau exemplaire. Nous sommes aussi certifiés ISO 45001, ce qui atteste de notre engagement sur ce volet.
* Leader Group propose des solutions pour l’emploi et les compétences à travers un réseau de 140 agences d’emploi en France, emploie 730 collaborateurs permanents et fait travailler plus de 100 000 collaborateurs intérimaires.
En 2021, Leader a réalisé un chiffre d’affaires de 665 M€. La business unit logistique/transport représente 24 % de ce volume d’activité et croît d’année en année avec le développement de ce secteur d’activité.
Le réseau Leader fait partie d’Actual Leader Group, 5e acteur sur le marché du travail en France.