L’immobilier logistique, l’atout méconnu qui séduit la finance durable

Pour s’engager davantage dans la transition écologique et améliorer leur responsabilité sociétale, les acteurs de l’immobilier logistique font de plus en plus appel au financement durable. Chez le développeur Barjane – où les aspects RSE sont abordés dès la conception d’un projet et par la suite tout au long de l’exploitation du bâtiment –, un premier prêt à impact a justement été signé en début d’année avec Arkéa Banque.

« Cela nous a semblé naturel d’impliquer nos partenaires financiers dans la mise en place de prêts visant à promouvoir des projets qui ont un impact minime voir positif sur l'environnement, qui améliorent les conditions de travail et favorisent l'inclusion et la diversité, relate Julie Barlatier Prieuret, directrice générale de Barjane. Notre objectif, dès 2023, est de contracter 100 % de prêts durables, à travers des prêts verts et prêts à impact. » Pour Christophe Bouthors, CEO de Telamon (ex-Groupe Panhard), le financement durable en logistique devient de « plus en plus transversal » – tant sur le volet corporate que pour les projets de plateformes.

Justement, quelles sont les spécificités de ces prêts durables par rapport aux financements dits traditionnels ? À cette question, les réponses sont multiples. « Ces prêts sont accordés à des projets qui ont un impact positif sur l'environnement et la société, pointe Alexandre Zanger, directeur financier de Barjane. Les critères d'éligibilité peuvent inclure des mesures pour réduire la consommation d'énergie, des actions pour préserver la biodiversité ou des initiatives pour améliorer la santé et le bien-être des travailleurs. »

Sur le plan financier, ces prêts durables en logistique peuvent prévoir des modalités de remboursement spécifiques pour encourager les emprunteurs à respecter les critères. À titre d’exemple, le taux d'intérêt peut être ajusté à la hausse ou à la baisse en fonction de la performance du projet. Enfin, obtenir ce type de financement implique, pour les acteurs de l’immobilier logistique, de fournir des rapports réguliers sur la performance environnementale et sociale. « Cela peut être une contrainte, notamment sur les premiers projets, mais s’avère être un investissement gagnant in fine car cela permet de progresser dans le suivi et l’amélioration des performances RSE », poursuit Alexandre Zanger.

Chez Telamon, on mise sur le financement participatif depuis fin 2022. Une première opération a été réalisée par le développeur et asset manager logistique sur sa plateforme de 93 500 m2 à Nanteuil-le-Haudouin, afin de financer une centrale photovoltaïque (19 410 panneaux) installée en toiture. En l’espèce, Telamon a proposé aux habitants de l’Oise et des départements limitrophes de s’associer à cet investissement sous la forme d’un crowd-equity, financement participatif en actions non cotées, avec l’appui de Lendopolis, filiale de la Banque Postale. Le ticket moyen enregistré sur les engagements ressort à 4 000 €. « Cette opération a permis aux habitants concernés de s’investir en faveur de la création d’une infrastructure vouée aux énergies renouvelables dont la production sera redistribuée dans le réseau local, appuie Christophe Bouthors. Pour les investisseurs privés, ce véhicule a offert l’opportunité d’acquérir un placement à rendement capitalisé à partir de 20 €. »

Fort de cette première expérience concluante, Telamon a pour ambition de faire appel au financement participatif pour des centrales photovoltaïques sur chacun de ces projets. « La production d’énergies renouvelables est un volet majeur de notre stratégie de développement avec, comme objectif, une capacité annuelle de production de 50 MWc d’ici cinq ans rien que sur les toitures de nos futurs bâtiments », complète le CEO du groupe. Selon lui, cette pratique – qui ne remet pas en cause l’équilibre financier d’une opération – permet de « rapprocher » et de « sensibiliser » les habitants aux projets logistiques réalisés auprès de chez eux, tout en « allant plus loin » d’un point de vue RSE. « Par ailleurs, dans la grille de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), un financement participatif est mieux noté », précise Christophe Bouthors.

Qui dit financement durable en logistique, dit mesures de contrôle en matière de RSE. « Ces contreparties sont mesurées et vérifiées lors de la mise en place d'un prêt durable par le biais d'une évaluation indépendante réalisée généralement par un tiers ou un département dédié à ces sujets au sein de la banque », stipule Alexandre Zanger. En l’occurrence, cette évaluation approfondie peut être menée par Ecovadis ou EthiFinance. Pour un projet logistique, ces structures indépendantes mesurent, entre autres, les critères de gestion des déchets, l’utilisation de matériaux durables ou encore la consommation d’énergie.

« Des rapports de performance sont produits généralement annuellement, abonde le directeur financier de Barjane. Ces rapports peuvent inclure des indicateurs clés de performance, des données quantitatives et qualitatives, ainsi que des informations sur les mesures prises pour améliorer la performance. » En fonction des résultats obtenus, des mesures correctives peuvent être proposées afin d’améliorer la performance d’un site logistique. « Nous avons adopté une stratégie RSE depuis longtemps, mais il a toujours été difficile de pouvoir quantifier ce qu’elle apportait, expliquait Julie Barlatier Prieuret à Business Immo récemment. Heureusement (…) nous serons audités chaque année et, selon notre résultat par rapport à un panel de 500 entreprises, nous pourrons bénéficier de taux bonifiés de 10 ou 15 pb (...). »

Parce que « les prêteurs et fonds de dette sont de plus en plus soucieux de financer des actifs ou des projets logistiques respectueux de l’environnement » selon Christophe Bouthors, ces financements durables demeurent un soutien précieux pour aider le secteur logistique à gravir de nouvelles marches en matière de RSE. « Les aspects économiques restent prépondérants mais, entre deux projets semblables sur le plan économique, les banques financeront plus facilement le projet qui respecte certains critères RSE tandis qu’à terme, elles ne financeront plus ou dans des conditions beaucoup moins avantageuses ceux qui ne respectent pas ces critères », estime la directrice générale de Barjane. 

De quoi encourager les spécialistes de l’immobilier logistique à faire appel de manière massive à ces prêts à impact. « Les ambitions d’aujourd’hui sur le segment RSE seront les objectifs à minima dans les cinq ou dix ans à venir. De facto, c’est un cercle vertueux qui se met en place pour l’ensemble de la chaîne, du financement au cycle de vie d’un actif logistique », parachève le CEO de Telamon.