Philippe Schmit, maire du Thieulin et Président de la Communauté de Commune Entre Beauce et Perche « La logistique est une chance de développement économique pour nos territoires »
Après l’arrivée de la logistique du spécialiste des jouets Mattel en janvier, c’est au tour du géant du e-commerce Amazon d’annoncer sa venue pour 2026, en Eure-et-Loir. Avec inquiétude, au début, quant aux nuisances possibles des activités logistiques, puis optimisme pour le développement économique du territoire par la suite, élus et acteurs économiques ont su construire, ensemble, une relation de confiance. Entretien.
La Communauté de communes Entre Beauce et Perche, dont vous êtes le président, accueille depuis peu un parc logistique, sur la ville d’Illiers-Combray, en Eure-et-Loir (28). Il a récemment beaucoup fait parler de lui car il accueillera bientôt un entrepôt Amazon de 105 000 m². Est-ce que le projet a été bien accueilli par les élus, par les entreprises locales, par les riverains... ?
Philippe Schmit : Avant même de parler d’Amazon, nous avons été en contact avec le développeur immobilier Mountpark dès 2016, alors qu’il recherchait du terrain pour se développer en France. La Communauté de Communes n’était pas encore propriétaire de ce terrain de 62 hectares, sur la zone de grande capacité d’Illiers-Combray-Blandainville. Le Conseil Départemental en était en effet le détenteur jusqu’à ce que la Communauté de Communes entre Beauce et Perche le rachète en 2018.
Sur une telle surface, il n’y avait pas beaucoup de choix quant au type de projets que nous pouvions accueillir : industrie ou logistique. Mes collègues élus préféraient que cela soit de l’industrie, car ils craignaient qu’avec la logistique, il n’y ait que des camions pour finalement peu de création d’emplois au regard de l’importance de l’emprise foncière. L’idée d’accueillir des activités logistiques a pourtant petit à petit fait son chemin dans l’esprit des élus et des riverains, qui ont compris le potentiel de redynamisation de nos communes.
Nous avons donc vendu à Mountpark en 2020 et au début de l’année 2025, ils inauguraient un premier entrepôt de 36 000 m² destiné à accueillir la logistique de l’industriel Mattel, géré par FM Logistics.
Avant qu’Amazon ne soit pressenti sur un deuxième entrepôt, quelles étaient les exigences adressées à Mountpark ?
P.S. : Représentant des élus des 33 communes de la Communauté, j’ai pris l’engagement qu’il n’y aurait pas de nuisances supplémentaires liées au trafic de poids lourds. L’argument est que, comme le parc est situé à la sortie de l’autoroute A11, les activités qui s’y installeront ne devraient pas être source de trafic additionnel pour les communes alentour, puisque les véhicules n’ont pas besoin de traverser les villes alentour pour arriver à destination. Ma deuxième exigence concernait le nombre d’emplois créés… Cela peut paraître contre-intuitif, mais je ne voulais pas qu’il y en ait trop. Illiers-Combray ne compte que 3 400 habitants. Nous n’avons donc pas le bassin d’emplois pouvant répondre à une demande trop forte et il faudrait donc affréter des navettes depuis les grandes villes alentour, provoquant un trafic supplémentaire. Et dans le cas où les personnes travaillant sur le site voudraient habiter à proximité, nous n’aurions pas la possibilité de les accueillir correctement, en termes de mobilités et de logement, d’autant que cela pourrait déstabiliser la commune s’il devait y avoir trop de nouvelles personnes en si peu de temps.
Ma dernière demande, enfin, concernait le type d’entreprise : j’ai demandé à ce que cela ne soit pas des sociétés de type Amazon...
Le fait que, finalement, l’une des entreprises qui s’installent soit Amazon a donc été une surprise… y compris pour vous ! Que s’est-il passé pour que vous acceptiez finalement le projet ?
P.S. : Quand Mountpark nous a annoncé la potentielle venue d’Amazon, je pensais dire non mais je voulais d’abord me renseigner avant. J’ai donc visité deux de leurs sites, l’un à Brétigny-sur-Orge et l’autre à Dove. Mais ce qui m’a fait changé d’avis a plutôt porté sur leur modèle de gestion du personnel : les contrats proposés à leur personnel, avec une bonne rémunération, des avantages sociaux meilleurs que dans d’autres entreprises, notamment en ce qui concerne les congés parentaux, des formations financées par l’entreprise… Des entreprises locales sont même venues me dire qu’elles craignaient voir partir leurs salariés chez Amazon ! Dans la première mouture du projet, il était néanmoins fait mention de la création de 2 500 emplois, ce qui n’était pas tenable pour nous. Mais Amazon a finalement prévu d’automatiser une grande partie des process, étant eux-mêmes contraints par les difficultés de recrutement. Cela sera finalement 1 000 postes.
Je me suis par ailleurs dit, et c’est ce que j’ai exposé aux élus et riverains réticents, que si nous sommes des clients, même occasionnels, de cette entreprise, on peut se douter qu’ils ont besoin d’un entrepôt ! Autant que cela soit chez nous et que cela bénéficie au tissu économique local.
D’autre part, le climat de confiance instauré avec Mountpark m’a motivé à défendre le projet.
Quels ont été les aménagements nécessaires ?
P.S. : Nous savions, après échange avec la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), que notre territoire était un des plus riches de la Région Centre-Val-de-Loire en termes de vestiges archéologiques… Nous avons donc décidé, avec l’accord de tous, de ne pas faire de fouille mais de protéger les potentiels vestiges en recouvrant le terrain de près de 300 000 mètres cubes de terre. 10 000 camions ont donc fait des allers-retours depuis la sablière de la commune du Thieulin, dont je suis par ailleurs le maire. Les routes entre le Thieulin et Illiers-Combray en ont bien sûr souffert et le Conseil Départemental a pris à sa charge sa remise en état. Après tout, la taxe d’aménagement qu’il perçoit est aussi faite pour cela ! Les communes également ont perçu une taxe d’aménagement, reversée à la Communauté de Communes pour l’aider à supporter les 5 millions d’investissement et pour nous permettre de proposer un prix au mètre carré à Mountpark concurrentiel. Nous restons un peu déficitaire avec ce prix, mais nous savons qu’il aura des retombées financières pour le territoire, qui peut, de plus, s’attendre à une augmentation de sa population, de la qualité de vie, des mobilités, en plus de la création d’emplois.
D’une manière générale, qu’est-ce qui est essentiel selon vous pour que ces projets soient acceptés de tous ?
P.S. : La confiance. Dès le début de nos échanges, Mountpark m’a donné des garanties. Ils ont été à l’écoute, même sur des détails et ont toujours respecté leurs engagements. Par exemple, ils m’ont consulté sur chaque utilisateur potentiel de leur site, comme ils l’avaient promis au départ. J’ai parfois dit non et d’autres fois oui. De mon côté, je les ai accompagnés pour qu’il n’y ait pas de points de blocage, en anticipant et en prenant contact en amont avec tous ceux qui pourraient être concernés, élus, services de l’État, etc. et j’étais leur seul interlocuteur pour la gestion complète du projetSur le site de 62 hectares que nous avons vendu à Mountpark, il reste encore 250 000 m² de construction possible. Nous espérons donc que cette relation de confiance mutuelle perdurera.