Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique : « Nous devons passer en mode offensif »

17 juil. 2025
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Le parcours professionnel d’Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique depuis sa création en 2020, témoigne de son engagement sur les sujets liés à l'aménagement du territoire, aux transports et à la logistique. Son quotidien, rythmé par les rencontres et les échanges entre les acteurs de la logistique et les pouvoirs publics, est guidé par la volonté de faire connaître, et reconnaître, un secteur souvent méconnu mais essentiel à l'économie française.

Annemarie Idrac Web Grey

Anne-Marie Idrac a eu trois vies : fonctionnaire dans l’administration de l’équipement, elle a, notamment, dirigé l’établissement public d’aménagement de Cergy-Pontoise et a été directrice des transports terrestres. En tant que politique, elle a été Secrétaire d'État chargée des Transports (gouvernement Juppé), Secrétaire d’État chargée du Commerce extérieur (gouvernement Fillon), députée des Yvelines et conseillère régionale d’Île-de-France. En entreprise, elle a été la présidente de la RATP puis de la SNCF ainsi que de l’aéroport de Toulouse. « Actuellement, en plus d’être administratrice de plusieurs sociétés et consultante, je suis la présidente de France Logistique depuis 2020, date de création de l’association, précise t-elle. Cela a coïncidé avec la crise du Covid, mettant en lumière l’utilité, l’agilité et la performance de la logistique française ».

Création de France Logistique en 2020

France Logistique est née à la suite du rapport Hémar-Daher, diffusé en 2019, portant sur la compétitivité de la logistique dans un contexte européen concurrentiel. « Il préconisait, d’une part, une meilleure organisation interministérielle des pouvoirs publics, avec les finances et les transports, et, en miroir, une meilleure organisation des professionnels pour défendre des intérêts communs », précise Anne-Marie Idrac. La création du Cilog (Comité interministériel de la logistique) et de France Logistique a été une réponse directe à ces recommandations, avec pour mission de promouvoir et de défendre les intérêts de la logistique en France. « Eric Hémar, alors Président de l’Union TLF, m’a demandé de présider l’association et Constance Maréchal-Dereu, qui avait rédigé le rapport, en a été la première directrice générale ».

Un quotidien fait de rencontres et d’échanges

En tant que présidente de France Logistique, Anne-Marie Idrac joue un rôle central dans la promotion et la défense des intérêts du secteur logistique. « Mon rôle au sein de l’association est tout d’abord d’écouter les membres, grandes associations, fédérations et entreprises, afin de définir collectivement les grands sujets transverses qui exigent un dialogue avec les pouvoirs publics, explique-t-elle. France Logistique est en effet l’interlocuteur de référence pour le gouvernement, les administrations, les cabinets ministériels, le Parlement, et les autorités locales. Elle est déclarée en tant que tel, à la Haute Autorité pour la Transparence de la vie politique ». « À titre personnel, compte tenu de mon parcours, ajoute t’elle, je joue souvent un rôle d’interprète pour trouver les formulations ou les angles de propositions les mieux à même de défendre les intérêts du privé auprès des acteurs publics ».

Son quotidien est également rythmé par sa présence à différents événements, tels que le SITL (Salon du Transport et de la Logistique), ou encore la conférence « Ambitions Transports 2050 », dans laquelle un atelier est dédié à la logistique. « Même si l’événement concerne principalement le transport, l’actuel DG de France Logistique, Maxime Forest, a fait valoir l’importance des sujets fonciers, de la logistique urbaine au portuaire, et manière générale le maillage des entrepôts ».

Points de vigilance

Le jour de l’entretien avec Plateformes Magazine, Anne-Marie Idrac devait par ailleurs se rendre à Matignon, après une rencontre avec d’anciens ministres des Transports qui partagent ses points de vue. « Je suis en ce moment très vigilante sur deux sujets en particulier : la loi de simplification de la vie économique qui comporte un amendement adopté au Parlement pour limiter les entrepôts « e-commerce » et qui risque en réalité d’avoir un impact de complexité supplémentaire sur l’ensemble du secteur du commerce et de l’immobilier logistique ; et le risque de taxation en tout genre sur les entrepôts ainsi que sur les transporteurs routiers, ce qui impacterait l’ensemble des chaînes logistiques ». Sans oublier, rappelle -t’elle, le fameux décret sur la réduction des délais de recours maintes fois promis et toujours impatiemment attendu ». Dans tous les cas, ses argumentaires insistent sur la compétitivité nationale et sur l’écologie.

Passer en mode offensif

L'un des principaux défis auxquels Anne-Marie Idrac et son équipe sont confrontés est la nécessité de passer d'un mode « défensif », de court terme, à un mode « offensif », de moyen long terme. Cela signifie non seulement réagir aux complexités et aux obstacles qui se présentent - comme la « loi de simplification de la vie économique » déjà citée pourrait devenir une loi de complexité-, mais aussi promouvoir activement la logistique en tant que secteur essentiel et innovant, « comme on peut le voir dans Plateformes Magazine avec des articles sur Label Emmaüs, la géothermie, Les Restos du Coeur ou encore les panneaux photovoltaïques ou le programme d’innovation piloté par le ministère de l’économie avec France Logistique ». Anne Marie Idrac aime à souligner sans relâche les impacts économiques et sociétaux de la logistique : création d'emplois, production d'énergie, facilitation de la réindustrialisation et de l’économie circulaire …

Des avancées notables

Le socle des discussions privé/public est la stratégie nationale logistique adoptée par le gouvernement sur la base des idées de la filière et plusieurs fois mise à jour depuis 2021. Lors des discussions sur la Loi Climat et Résilience, en 2021, Anne-Marie Idrac a contribué à deux dispositions pour le secteur du transport et de la logistique. « D’abord la soumission de toute hausse de la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques) pour les transports routiers à deux conditions : d’alignement avec les autres pays et de disponibilité effectives des véhicules électriques précise-t-elle. Ensuite l’inscription dans la loi de Conférences Régionales de la Logistique pour introduire nos sujets dans les SRADDET (Schéma Régional d’aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires) , donnant l’occasion pour nos adhérents d’entamer un dialogue avec les élus ». Elle ajoute être aussi particulièrement « heureuse d’avoir permis d’éviter un moratoire sur les entrepôts grâce à la charte AFILOG dont j’ai été en quelque sorte la marraine ».

Dans les semaines à venir, Anne-Marie Idrac devrait être chargée d'une nouvelle mission sur la logistique urbaine, en collaboration avec Anne-Marie Jean, présidente du Port de Strasbourg. Cette mission vise à mettre à jour un rapport délivré il y a quatre ans, en intégrant de nouvelles thématiques sur le e-commerce, les Zones à Faibles Émissions (ZFE), le Zéro Artificialisation Nette (ZAN), les friches et les entrepôts à étages.

La logistique : mieux comprise mais encore difficilement acceptée

Anne-Marie Idrac constate que la logistique est mieux comprise, notamment grâce à la crise du Covid-19, qui a mis en lumière son importance cruciale. En ce moment, les soucis géopolitiques actuels renforcent, selon elle, les idées de résilience de l’économie, dont la logistique est un élément essentiel. Au niveau local, la logistique urbaine attire l’attention des élus sur les besoins de circulation, stationnement, stockage des marchandises, sujets importants pour la qualité de vie et les dynamiques économiques en ville. Cependant, elle souligne que le secteur n'est pas encore reconnu à sa juste valeur : malgré ces facteurs de prise de conscience, le secteur doit encore faire face, au quotidien, à des problématiques d’acceptabilité. « Au-delà des sujets techniques c’est le principal défi ». Anne-Marie Idrac aime les sujets charnus et multidimensionnels, qui touchent à la finance, au social, à la technologie et à bien d'autres domaines. La logistique, avec ses multiples facettes et ses défis complexes, est un secteur qui semble donc parfaitement lui convenir.

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