Environnement

Didier Mandelli : « Les surfaces bâties ou existantes doivent être privilégiées pour développer des projets de production d’énergies renouvelables »

28 mars 2024
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Premier vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le Sénateur de Vendée Didier Mandelli livre son analyse sur la portée de la loi sur l’accélération de la production des énergies renouvelables dont il a été rapporteur et sur les dispositions relatives à la sobriété foncière contenues dans la loi Climat et Résilience... ainsi que le rôle de l’immobilier logistique et industriel dans ces transitions.  

Didier Mandelli Logistique
Didier Mandelli (©D.R.)

Quels sont les leviers pour faire progresser la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français ? 

Didier Mandelli : Pour commencer, il faut que les objectifs et la trajectoire soient inscrit dans le marbre, c’est-à-dire dans la prochaine loi de programmation sur l’énergie et le climat. Néanmoins, la loi sur l’accélération de la production des énergies renouvelables (APER) qui a été votée et promulguée début 2023 fixe un premier cap.

La première mouture de ce texte était très clairement estampillé éolien offshore mais le Sénat a ajouté des éléments pour traiter les autres sources d’énergies renouvelables, à commencer par le solaire, avec un principe très clair : il faut privilégier des surfaces bâties ou existantes pour développer de nouveaux projets de production d’énergies renouvelables plutôt que d’artificialisation des terrains agricoles ou naturels.

Cela se traduit par un durcissement des obligations : Sur les bâtiments non résidentiels neufs ou lourdement rénovés (entrepôts, hôpitaux, écoles...), la couverture minimum des toitures solaires augmentera progressivement de 30% en 2023 à 50% en 2027. Cette obligation sera étendue dès 2028 aux bâtiments non résidentiels existants.

Justement, comment faire pour décliner les ambitions nationales en matière de production d’énergies renouvelables au niveau local, dans tous les territoires ?  

Didier Mandelli : La loi APER fait en sorte que les élus soient aux manettes, qu’ils puissent décider en coordination avec les intercommunalités et les préfets quelles énergies seront implantées, à quels endroits… C’est le contenu du point relatif à la planification des zones d’accélérations où les énergies renouvelables seront déployées prioritairement.

Je fais confiance à l’intelligence des élus locaux pour développer les énergies renouvelables. Les difficultés financières auxquelles beaucoup d’entre eux ont été confrontées ces derniers mois avec l’envolée des prix de l’énergie ont entrainé une prise de conscience généralisée de la fragilité de nos ressources. Et d’ailleurs un élu ne doit pas raisonner qu’à son échelle locale. Chaque territoire doit subvenir à ses propres besoins, bien sûr, mais, s’il peut être contributeur positif à la fourniture d’énergie à un niveau plus large, tant mieux. Il faut une péréquation, une mutualisation des moyens entre différents territoires.

Quel rôle doivent jouer les acteurs de l’immobilier, en particulier ceux de l’immobilier logistique et industriel ?

Didier Mandelli : Chacun a un rôle à jouer. L’État fixe des objectifs et des orientations, se doit d’être exemplaire au niveau de son patrimoine, et incite les entités qui dépendent plus ou moins directement de lui sur la même voie, comme la SNCF par exemple. Les collectivités locales déclinent quant à elles ces objectifs au niveau local. Et les entreprises ont un rôle essentiel à jouer aux côtés des particuliers et du public. L’obligation de couvrir 50 % d’une toiture à horizon 2027 est un minimum pour les acteurs du bâtiment. S’ils peuvent aller plus loin, ils doivent le faire. Je salue donc la démarche des membres d’AFILOG qui anticipent encore une fois les obligations et s’inscrivent dans une démarche collective et citoyenne, qui dépasse le cadre de leur filière, avec le déploiement de 5 millions de m2 de panneaux photovoltaïques sur les toits des entrepôts en 5 ans.

J’en suis le témoin en Vendée sur plusieurs sites comme celui du groupe FM Logistics à Saint-Hilaire-de-Loulay. Sur le pôle d’activités des Marches de Bretagne, l’entreprise implante un nouveau bâtiment de 44 280 m² qui sera équipé de panneaux solaires tout du long de la toiture. Sa production annuelle est estimée à 4 000 MWh. 500 MWh seront autoconsommés sur le site, le reste (3 540 MWh) sera réinjecté dans le réseau local… soit l’équivalent de la consommation annuelle de 1 800 habitants !

En matière de sobriété foncière, comment avait été appréhendé le sujet en amont du projet de loi Climat et Résilience au niveau de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ?

Didier Mandelli : Le sujet était bien traité par les élus locaux dans le domaine de l’habitat suite au Grenelle de l’environnement en 2007 qui avait fixé des objectifs en matière de sobriété foncière. Mais il l’était un peu moins pour les infrastructures et était au second plan dans le domaine économique. Certains départements avaient toutefois mis en place des chartes de la gestion économe de l'espace. C’était le cas de la Vendéeune consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) de 4 893 hectares sur la période 2011 – 2020 a été relevée avec une évolution en diminution au fil des ans. 

Quand la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a étudié le sujet de la sobriété foncière en amont du vote du projet de loi Climat et Résilience en 2021, nous avons constaté qu’il y avait de nombreux amalgames. C’était notamment le cas pour les entrepôts qui étaient associés systématiquement au e-commerce alors que la majorité de ces bâtiments traitent des échanges entre établissements économiques. Cela tenait sûrement à l’absence d’informations sur la logistique dans l’étude d’impact qui a servi à l’élaboration du projet de loi. Avec nos collègues de la commission économique, nous avons donc fait de la pédagogie et les dispositions concernant les entrepôts ont été ajustées pour tenir compte de la réalité de l’activité. Le moratoire sur l'implantation des entrepôts dédiés au e-commerce a notamment été abandonné.

Quel regard portez-vous sur la mise en application du ZAN, notamment au niveau des SRADDET ?

Didier Mandelli : La loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux a apporté des clarifications et de la souplesse, dans le même esprit que la loi sur l’accélération de la production des énergies renouvelables. Désormais, la concertation doit avoir lieu et chaque territoire doit pouvoir faire remonter de manière ascendante ses besoins de développement foncier dans le cadre de l’intégration de la sobriété foncière dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). C’est notamment crucial pour les territoires qui participeront à la réindustrialisation de notre pays car la logistique amont et aval est indispensable dans cette stratégie.

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