Immobilier logistique : pourquoi les loyers des marchés européens et canadien augmentent
Transformation des chaînes d’approvisionnement, fonciers de plus en plus rares, accueil incertain des territoires… Quel que soit le pays, les marchés de l’immobilier logistique font face à un déséquilibre entre l’offre et la demande qui conduit à des hausses de loyers.
De la Roumanie au Canada en passant par l’Europe centrale, l’Allemagne et la France, les professionnels du secteur de l’immobilier logistique dressent tous le même constat : le déséquilibre entre l’offre et la demande d’immobilier logistique n’est pas près de se résorber. Ils ont pu échanger sur les causes de ce mal, les conséquences sur les loyers et les remèdes possibles lors d’une conférence internationale organisée par Afilog le mercredi 15 mars dernier à Cannes lors du MIPIM.
Une transformation des chaînes d’approvisionnement en cours
Le contexte géopolitique était sur toutes les lèvres au MIPIM. La guerre en Ukraine, les tensions sino-américaines et l’augmentation du prix des matières sont avancés comme autant de facteurs venant renforcer un mouvement de fond entamé depuis le début de la crise du COVID-19. Celui d’une transformation des chaînes d’approvisionnement vers plus de résilience, matérialisée par deux phénomènes complémentaires. D’une part, un accroissement des réserves qui se traduit mécaniquement par un besoin de stockage plus important ; et d’autre part, l’apparition de phénomènes de decoupling et d’onshoring, c’est-à-dire le rapatriement ou le dédoublement de certaines activités pour éviter une dépendance à certains marchés (Chine, Russie).
À cela vient s’ajouter une évolution structurelle de la demande en immobilier logistique, due à la montée du e-commerce « qui a besoin de trois fois plus de surface foncière que le commerce physique » indique Cécile Tricaut, directrice Europe du Sud de Prologis. Ces besoins se traduisent par une dynamique très forte du marché, sur tous les pays du continent européen, en termes de production de surface : « Sur l’ensemble du marché européen, on constate une augmentation des surfaces logistiques de l’ordre de 7% par an », mentionne Damien Soler, Group Key Account manager chez BMI Logistics, spécialiste des solutions de toitures pour les bâtiments logistiques et industriels. Pour autant, cette augmentation est trop limitée pour faire face à la demande, entraînant à une augmentation des loyers et des taux de vacance extrêmement bas.
Une raréfaction du foncier qui entraine une hausse des loyers dans l’immobilier logistique
En cause : la raréfaction du foncier et la montée des préoccupations écologiques, qui conduisent les collectivités à fortement mettre en cause le bien-fondé des implantations d’entrepôt. Cet état fait l’objet d’un consensus partagé par tous les intervenants. « Le marché roumain est en train de rattraper l’Europe occidentale, qu’il s’agisse des problématiques de foncier ou de l’augmentation des loyers », souligne par exemple Ana Dumitrache, directrice générale Roumanie, pour le groupe CTP. « Les loyers ont plus que doublé au cours des deux dernières années, et atteignent désormais 4,5€/m2 ».
Même son de cloche de l’autre côté de l’Atlantique. « Depuis au moins trois ans, on oscille autour d’une vacance sous la barre des 2% ; malgré une augmentation des prix des loyers de l’ordre de 40%, avec un prix moyen atteignant aujourd’hui 18$/pied carré/an (soit 20,55 € pour 0,09 m2 par an) », révèle Ted Willcocks, du groupe canadien Triovest. Pour répondre aux inquiétudes des collectivités en matière de gestion du foncier, de l’eau et de l’énergie, les promoteurs doivent désormais proposer de nouvelles solutions.
S’adapter et convaincre pour rééquilibrer l’offre et la demande
« Dans des environnements urbains dense, les toits peuvent réutiliser l’eau de pluie, faire pousser des plantes sur le toit pour améliorer la qualité de l’air », cite en exemple Damien Soler, de BMI. Au Canada, « Le marché des entrepôts à deux étages est en train de s’installer » indique Ted Willcocks. En Roumanie, l’immobilier logistique s’intègre dans des parcs tertiaires mixtes, adossés à des centres médicaux, et des instituts de formation par exemple.
En plus de trouver des solutions techniques, les acteurs de l’immobilier logistique doivent convaincre : « Pendant longtemps, on s’est contenté de mettre en avant les emplois créés par nos activités, et les revenus fiscaux qu’ils généraient pour la collectivité. Ça ne suffit plus. » explique Cécile Tricault. Thomas Steinmuller, le représentant d’Afilog pour l’Europe centrale, abonde : « Nous devons démontrer en quoi les entrepôts logistiques ne sont pas seulement des bâtiments ; mais des infrastructures nécessaires à l’économie et même à l’écologie des pays dans lesquels ils sont implantés. »
Une des solutions mises en avant : la transparence. « On considère souvent les entrepôts comme de simples hangars, constate Cécile Tricault. Retirez les clôtures des entrepôts et ouvrez vos portes. À chaque fois qu’on amène du public dedans, la perception change. Cela ouvre les yeux. » La Semaine de la Logistique organisée en France par Afilog l’a démontré à deux reprises déjà. L’initiative se poursuivra avec des visites immersives en vidéo, à l’initiative d’Afilog, à paraître à l’été !