Origines, approvisionnement, potentiel du marché : tout savoir sur les panneaux photovoltaïques des entrepôts français
L’accélération du déploiement des panneaux photovoltaïques sur les toitures des entrepôts en France depuis cinq ans n’aurait pas été possible sans une logistique bien huilée, la très grande majorité des modules et cellules venant de Chine. Une organisation amenée à évoluer dans les années à venir avec l’énorme potentiel de déploiement sur les bâtiments existants… et la production de nouveaux panneaux innovants en France.
La Chine est considérée depuis plusieurs années comme l’usine du monde. Et les panneaux photovoltaïques installés sur les toitures des entrepôts en France illustrent bien cette image. « Ces modules sont fabriqués à plus de 90 % en République populaire de Chine depuis une dizaine d’années car ils sont aussi performants que les modèles européens en termes de rendement tout en étant plus compétitifs financièrement », constate Jean Damian, vice-président du groupement des métiers du photovoltaïque (GMPV-FFB) et directeur de Soprasolar, la filiale de Soprema qui installe des panneaux photovoltaïques en toiture.
Mais quid du bilan carbone ? « Un module représente seulement 15 % du poids carbone d’une centrale solaire en toiture, indique Jean Damian. Les 85 % restant sont constitués par le système d’intégration permettant aux panneaux de reposer sur la toiture, 100 % made in France chez chez Soprasolar et fabriqués en France ou en Europe de l’Ouest par nos confrères, par des convertisseurs électriques qui peuvent en produits en Chine mais aussi en France ou en Amérique du Nord, par l’ingénierie technique et administrative qui n’est pas délocalisable. »
Quant à l’empreinte spécifique des panneaux photovoltaïques, elle est également à relativiser selon le directeur de SopraSolar : « Un module est un assemblage de différents constituants, principalement des cellules photovoltaïques qui sont des plaques de silicium découpées finement. Or ces dernières ne sont plus produites en France car la matière première vient en grande majorité de Chine. Les panneaux photovoltaïques assemblées dans l’Hexagone ont donc un bilan carbone qui est proche de celui des modules finaux venant de Chine. » Certains maîtres d’ouvrage tiennent toutefois à installer des modules made in Europe sur la toiture de leurs entrepôts. C’est le cas de Lidl.
Une logistique bien huilée
Depuis 4 ans, 18 megawatts-crète (MWc) ont été déployés sur les bâtiments du distributeur Lidl en France, représentant 90 000 m2 de surface de toiture et d’ombrières complétant ainsi les 50 000m² de panneaux photovoltaïques existants. Pas moins de 10 MWc supplémentaires seront installés dans les quatre années à venir sur les nouvelles plateformes logistiques de l’enseigne dans l’Hexagone.
« Les panneaux photovoltaïques que nous déployons sont assemblés en France par Voltec Solar, en Espagne ou en Allemagne pour les autres marques partenaires, ajoute Eric Tiemeni Tiako, responsable du pôle Fluides et Energie de Lidl France. Ils coûtent environ 15 % plus chers que ceux fabriqués intégralement en Chine. Nous portons ce surcoût car ils nous permettent de nous inscrire dans une approche responsable en privilégiant des circuits plus courts. » Transportés par camions, ils sont livrés sur chantier quelques jours avant leur installation et leur mise en service par une société spécialisée. Cette dernière s’occupe également de les acheter suivant le cahier des charges fixés par le maître d’ouvrage dans le cadre d’un appel d’offres.
Les panneaux photovoltaïques chinois suivent pour leur part la même chaîne logistique que la plupart des biens d’équipements de masse produits dans le pays : transportés par voie maritime dans des containers, ils sont débarqués dans les grands ports européens avant d’être transportés par voie routière directement sur les chantiers français ou bien d’être stockés dans des entrepôts. SopraSolar en exploite quatre à cet effet, dont deux en région lyonnaise à Saint-Quentin-Fallavier, un près d’Orléans et un à côté de Rennes. « Ils font en moyenne 6 000 m2, souligne Jean Damian. Les panneaux photovoltaïques qui y sont entreposés restent peu de temps en stock car la demande est forte. » Elle a même explosé ces dernières années.
Un marché avec de fortes perspectives de développement
« En 2023, nous avons déployé nos systèmes sur 3,5 millions de m2 de toitures de bâtiments dont 1,5 d’entrepôts représentant environ 150 MWc de puissance, précise le directeur de SopraSolar. C’est dix fois plus qu’il y a 5 ans. » Une évolution qui a nécessité une adaptation de la logistique : « Nous avions un seul entrepôt en 2019. Depuis, nous avons fortement investi dans notre supply-chain, que ce soit dans le maillage géographique comme dans la digitalisation pour améliorer la préparation, la traçabilité… ».
Et ce n’est peut-être qu’un début. Outre les 5 millions de mètres carrés qui seront déployés dans les cinq prochaines années par les membres d’AFILOG sur les toits de leurs nouveaux entrepôts, le potentiel du marché existant est conséquent... mais contraint. « Nous avons déployé des panneaux photovoltaïques sur huit de nos plateformes logistiques existantes qui pouvaient le supporter depuis le lancement de notre nouvelle stratégie made in Europe il y a quatre ans, indique Jonathan Saigault, responsable des Services Froid Industriel, Fluides et Energie de Lidl France. Nous n’avons pas pu équiper certains de nos plateformes logistiques à cause de freins réglementaires ». Il développe : « Ces freins concernent principalement la certification du procédé d’intégration photovoltaïque en toiture d’entrepôt dont les démarches avec le CSTB sont généralement longues pour nos partenaires en vue d’obtenir l'appellation technique courante, plus facilement acceptée par les bureaux de contrôle technique et par les assureurs sans devoir payer des surprimes importantes. De plus, passé un certain âge, les toitures, même PV Ready initialement, ne sont plus considérées comme tel sans preuve écrite à l’issue d’essais fastidieux en laboratoire, nous avons vécu l’expérience sur une de nos plateformes logistiques dans l’Est. »
Certains comme Soprasolar cherche des solutions alternatives : « Nous avons conçu des modules cristallins qui font 5 kilos au m2, soit trois fois moins que des panneaux photovoltaïques classiques, pouvant être collés directement sur un nouveau complexe d’étanchéité dans le cadre d’une rénovation de toiture, précise Jean Damian. Ce dispositif est visé par une ATEX du CSTB et répond au triptyque de la stabilité, de la solidité et de la tenue au feu. Nous espérons ainsi pouvoir couvrir 2 à 3 millions de m2 de toitures de bâtiments existants chaque année d’ici à 2028-2030. » Cerise sur la toiture, cette rupture technologique apporte un avantage compétitif et rend possible la production en France : les modules de Soprasolar sont fabriqués par la start-up Heliup à Chambéry. Le monopole des panneaux photovoltaïques chinois sur les toitures des entrepôts français n’est pas une fatalité. Le ministre de l’Industrie et de l’Énergie Roland Lescure a d’ailleurs fait état il y a quelques semaines de deux projets nouveaux de giga-factories en développement, à Sarreguemines et à Fos-sur-Mer. Prévues pour 2025, ces deux usines doivent permettre à terme de produire 15 gigawatts (GW) de panneaux solaires.
