Économie

Bruno Millienne : « L’intelligence collective sera la clé pour réaliser la transition environnementale de l’immobilier logistique »

29 mars 2024
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Alors que la logistique constitue un secteur essentiel à la vie économique et sociale de la France, comment organiser le développement de son immobilier tout en réalisant la transition environnementale des entrepôts ? Bruno Millienne, député des Yvelines et vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale, livre son analyse.

Bruno Millienne
Bruno Millienne ©Assemblée nationale

Vous expliquez régulièrement que la France a besoin d’entrepôts. Pourquoi ?

Bruno Millienne : Parce qu’ils répondent à de nombreux enjeux. Les entrepôts servent de centres de stockage et de distribution pour les produits destinés à être livrés aux consommateurs, aux entreprises… Donc ils jouent un rôle crucial dans la chaine d’approvisionnement, assurant la disponibilité des produits au bon endroit et au bon moment. En outre, les entreprises ont besoin d’espaces pour maintenir les niveaux de stock adéquats afin de répondre à la demande de leurs marchés sans avoir à surcharger leurs locaux principaux. Enfin, les entrepôts offrent de la flexibilité aux entreprises pour s’adapter aux évolutions de la demande ou aux changements dans les modèles commerciaux.

Dans ces conditions, comment le développement des entrepôts doit-il s’organiser en France selon vous ? 

Bruno Millienne : Nous ne pouvons plus concevoir les entrepôts comme il y a une dizaine d’années, notamment en raison de la transition énergétique et écologique. Lors du choix de la localisation d’un nouveau bâtiment, les sites déjà artificialisés doivent être privilégiés aux terrains agricoles ou aux zones naturelles sensibles. Ces emplacements doivent également être bien desservis par les transports en commun ou bien se situer à proximité d’infrastructures existantes, notamment fluviales, pour réduire la dépendance à la mobilité routière.

Qu’en est-il de la conception des entrepôts et de leur gestion énergétique ?

Bruno Millienne : La conception des entrepôts doit être écologique en utilisant des matériaux durables et en maximisant l’efficacité énergétique avec une bonne isolation et en s’appuyant sur les contrats de performance énergétique. En parallèle, les sources d’énergie doivent être renouvelables et des systèmes performants de récupération des eaux de pluie sont à mettre en place. Ensuite, il y a le transport écologique. Lorsqu’un entrepôt rayonne dans un périmètre de 200 kilomètres maximum, la mobilité électrique doit être favorisée avec l’installation de bornes de recharges rapide au niveau de la plateforme logistique. Au-delà d’un rayon de 200 kilomètres, le gaz vert doit être privilégié et/ou, si possible, le transport ferroviaire. Derniers points à ne pas négliger : le déploiement du recyclage des déchets et/ou du réemploi des matériaux dans les opérations de développement d’entrepôts et les démarches pour obtenir les bonnes certifications environnementales, en particulier la norme 14001 qui spécifie les exigences relatives au système de management environnemental.

« Les préfets devront intervenir comme médiateurs pour accompagner l’indispensable pédagogie sur la densification des entrepôts en hauteur »

Faut-il de nouveaux textes législatifs pour que ces bonnes pratiques soient appliquées ?

Bruno Millienne : Les professionnels de l’immobilier logistique font des efforts. Il faut continuer sur cette voie et aller plus loin en s’appuyant sur l’intelligence collective plutôt que sur le vote de nouvelles lois. Concrètement, cela passe par le dialogue entre les élus locaux et les acteurs du secteur logistique. À titre d’exemple, la confédération des grossistes de France et les élus des métropoles trouvent toujours des solutions en échangeant pour organiser les plans de circulation et de déchargement dans les villes.

La pénurie de foncier logistique complique l’équation. Comment y remédier ?

Bruno Millienne : Il va être de plus en plus difficile de trouver des mètres carrés disponibles pour développer de nouveaux projets. Dans ces conditions, les entrepôts bien situés devront être densifiés en hauteur. Cela nécessitera un dialogue avec les élus locaux, les riverains et les associations de défense de l’environnement. En outre, les préfets devront intervenir comme médiateurs pour accompagner l’indispensable pédagogie sur le sujet : la consommation continuera à engendrer des besoins de stockage, ce qui se traduira par un nouvel étalement urbain – ce que personne ne veut – ou bien par des constructions à étages. Enfin, la conception des zones industrielles ou commerciales, qui se feront de plus en plus sur des friches, doivent s’accompagner du développement de plateformes logistiques. La loi Industrie verte crée les conditions pour favoriser cette approche.

Justement, quelle est l’importance de la logistique et de son immobilier dans le verdissement de l’industrie et dans le mouvement de réindustrialisation ? 

Bruno Millienne : Sans entrepôts à proximité des sites industriels, le mouvement de réindustrialisation n’aura pas la même ampleur. Et plus les espaces de stockage seront proches et intégrés au sites industriels et commerciaux, plus on verdira ces activités. Nous pourrions aussi imaginer une mutualisation de la distribution entre les industriels et d’autres acteurs économiques pour optimiser le remplissage des camions et ainsi diminuer l’empreinte carbone.

« Plus les entrepôts seront autonomes voire distributeurs d’énergie, mieux ils seront acceptés par les citoyens »

Et comment concilier logistique urbaine et transition écologique ?

Bruno Millienne : En organisant les flux intelligemment avec une mutualisation des points de déchargement ou grâce au déploiement de solutions intelligentes comme ces aires de livraison connectées qui augmentent la rotation et libère des places de stationnement pour le fret urbain et les livraisons. Encore une fois, l’intelligence collective est la clé pour solutionner ce défi logistique et environnemental. 

Quel regard portez-vous sur la charte d’engagements réciproques entre l’État et les membres d’AFILOG signée il y a près de trois ans ?

Bruno Millienne : C’est une première et bonne étape. Les engagements à renforcer de mon point de vue concernent l’inclusion des parties prenantes dans la co-construction des projets. Le dialogue peut enrichir un processus tout en garantissant que les intérêts de tous soient bien respectés. Autre point important à approfondir : les citoyens sont de plus en plus sensibles à la transparence des entreprises sur le reporting en matière de durabilité. L’élaboration du référentiel d’excellence environnementale européenne, démarche à laquelle je participe, doit justement apporter plus de clarté et de lisibilité sur ces sujets.

Bruno Millienne : La France doit changer de braquet dans le déploiement des centrales solaires pour augmenter sa production d’énergie renouvelable. Or il y a un nombre considérable de mètres carrés qui pourraient accueillir des panneaux photovoltaïques en toiture. L’État et les Parlementaires doivent tout faire pour faciliter ce déploiement et la distribution du surplus d’énergie produit en levant les freins qui peuvent exister. Plus les entrepôts seront autonomes voire distributeurs d’énergie, mieux ils seront acceptés par les citoyens. 

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